Le 30 avril 2014, la 9ème chambre pénale de la Cour suprême doit examiner en appel la décision d’un tribunal inférieur de condamner à une peine de prison à perpétuité Mme Pınar Selek, une universitaire connue pour son engagement en faveur des droits des communautés vulnérables en Turquie. Cette condamnation repose sur l’accusation fallacieuse d’être responsable d’une explosion dans le bazar égyptien d’Istanbul le 9 juillet 1998, et d’être membre d’une organisation terroriste.
En 1998, Mme Pınar Selek a été accusée successivement et sans preuve de soutenir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et d’avoir fait exploser une bombe dans le bazar égyptien d’Istanbul le 9 juillet. Sur la base de ces accusations, elle a été maintenue en détention pendant deux ans, soumise à des actes de torture et à des mauvais traitements, jusqu’à sa libération provisoire en 2000. La 12ème chambre de la Haute cour pénale d’Istanbul l’a acquittée à trois reprises, en 2006, 2008 et 2011. Néanmoins, le procureur a à chaque fois fait appel de cet acquittement devant la Cour suprême, qui a cassé la décision d’acquittement. Le 24 janvier 2013, la 12ème chambre de la Haute cour pénale d’Istanbul a décidé de s’en remettre à la demande de la Cour suprême de reconnaître Mme Pınar Selek coupable et de la condamner à une peine de prison à perpétuité.
D’innombrables irrégularités de procédure ont été constatées pendant le procès : violation du droit à être informé des raisons de l’arrestation et de la détention, violation de l’interdiction de coercition pendant les interrogatoires, droit à une audience publique, droit à l’égalité devant la loi et les tribunaux, manipulation des juges, reconnaissance de la culpabilité fondée sur des éléments de preuves non recevables, notamment des déclarations obtenues par coercition, violation du principe de res judicata, violation du droit à être jugé dans des délais raisonnables, etc.
L’Observatoire rappelle que le procès pénal n’a pas réussi à démontrer que Mme Pınar Selek a participé à des activités liées au terrorisme. En effet, l’enquête judiciaire a largement confirmé qu’il n’y avait pas eu de bombe et que l’explosion était due à une fuite de gaz. De plus, l’autre inculpé dans cette affaire, qui avait incriminé Mme Selek durant son interrogatoire, est revenu sur sa déposition pendant le procès. Enfin, il convient de signaler que le tribunal qui a condamné Mme Selek, une juridiction d’exception dotée de pouvoirs élargis qui avait remplacée en 2004 les tribunaux de sûreté de l’Etat, a récemment été fermé dans le cadre d’une réforme du Code de procédure pénale.
L’Observatoire réitère son appel lancé aux autorités judiciaires turques pour qu’elles révisent cette dernière décision et qu’elles fassent cesser le harcèlement ininterrompu visant Mme Pınar Selek, qui semble vouloir la punir simplement pour avoir exercé son droit légitime à la liberté d’opinion et d’expression.
On trouvera dans le rapport de mission de l’Observatoire une chronologie complète des faits et une liste de recommandations adressées aux autorités turques, aux Nations unies, à l’Union européenne et à d’autres diplomaties étrangères.