Lettre ouverte aux Etats membres de l’Union européenne

17/05/2001
Rapport

A la veille de la tenue du sommet entre la Russie et l’Union européenne à Moscou, la FIDH appelle les Etats membres à porter la question de la Tchétchénie à l’ordre du jour du sommet et à demander aux autorités russes qu’elles mettent en œuvre dans les plus brefs délais les dispositions prévues dans la résolution adoptée en avril par la Commission des droits de l’Homme de l’ONU.

A la veille de la tenue du sommet entre la Russie et l’Union européenne à Moscou, la FIDH appelle les Etats membres à porter la question de la Tchétchénie à l’ordre du jour du sommet et à demander aux autorités russes qu’elles mettent en œuvre dans les plus brefs délais les dispositions prévues dans la résolution adoptée en avril par la Commission des droits de l’Homme de l’ONU.

Ce texte, présenté et voté par l’Union européenne, invoque notamment les violences exercées "sur une grande échelle à l’encontre de la population civile" et condamne la persistance de "l’emploi disproportionné" et "sans discernement" de la force par l’armée russe, par les soldats de la Fédération et par les agents de l’Etat.

Depuis avril, la situation en Tchétchénie ne connaît aucune amélioration. Bien au contraire, plusieurs faits évoquent une dégradation de la situation. La guerre se poursuit, avec la reprise de tirs d’artillerie et de combats à l’arme lourde notamment à Argoun ; la population civile de Tchétchénie continue d’être la cible d’opérations de nettoyage et de représailles : blocage des villages, arrestations arbitraires, racket systématique pour le rachat des personnes détenues, exécutions sommaires se poursuivent ces dernières semaines notamment à Alkhan-Yourt, Alkhan-Kala Argoun, où à Staraya-Sounja.

Par ailleurs, aucun signe d’amélioration en matière judiciaire ne peut être constaté : en particulier, l’enquête annoncée et qui a débuté timidement après la découverte d’une fosse commune à Khankala près de Grozny a été bâclée, prouvant une nouvelle fois la mauvaise volonté des autorités russes à mener des enquêtes qui pourraient aboutir à des inculpations. De plus en plus, la population, exaspérée et désespérée, se mobilise et proteste publiquement, bravant ainsi les interdictions de réunion publique prononcées par le chef de l’administration pro russe Akhmad Kadyrov.

Les propos du Maire de Grozny qui a donné l’ordre de fusiller sur place tout tchétchène suspect du meurtre de Russes sont particulièrement alarmant. Le défenseur des droits de l’homme, Viktor Popkov, a été retenu pour une vérification d’identité pendant une heure à un poste de contrôle alors qu’il venait d’être grièvement blessé par balles par des inconnus ainsi que les deux Tchétchènes qui l’accompagnaient.

Aujourd’hui, il n’existe aucune perspective de négociation politique ni de retrait des forces russes en présence. Tout porte à croire que les autorités russes elles-mêmes sont dans l’impasse face à l’échec de leur stratégie : la " normalisation " annoncée en janvier par le transfert au FSB de la direction des opérations est un échec et le retrait des troupes n’a jamais eu lieu ; l’administration tchétchène pro russe n’a aucune légitimité ni autorité aux yeux de la population ; la sécurité de la population n’est pas assurée sur le territoire tchétchène et les réfugiés refusent de rentrer malgré des conditions de vie plus déplorables que jamais en Ingouchie (suppression des repas, épidémie de tuberculose) et ce malgré des menaces de retour forcé que les organisations humanitaires russes et étrangères ont dénoncé à plusieurs reprises. Après d’autres ONG et personnalités en Russie, le Groupe Helsinki de défense des droits de l’Homme vient de dénoncer la situation des droits de l’homme et d’appeler à des négociations politiques.

Les Etats de l’Union européenne doivent être cohérents en matière de politique étrangère, conformément à l’appel lancé par la Commission européenne dans sa communication du 8 mai sur le rôle de l’Union dans la promotion des droits de l’Homme et donc face à la gravité de la situation en Tchétchénie, faire preuve de la plus grande fermeté.

La Russie doit respecter et appliquer ses engagements en matière de protection des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Conformément à la résolution de la Commission des droits de l’Homme, elle doit notamment donner une suite favorable aux demandes des rapporteurs et mécanismes de la Commission d’effectuer des missions en Tchétchénie. Les crimes commis contre la population civile dans cette République ne peuvent rester impunis.

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