" LES REFUGIES PRIS AU PIEGE "

25/10/1999
Communiqué

La FIDH appelle la communauté internationale à réagir aux violations flagrantes des droits de l’Homme perpétrées par les forces russes à l’encontre des populations civiles

La FIDH est vivement préoccupée par les violations graves du droit humanitaire actuellement commises en Tchétchénie au motif de la lutte engagée par les autorités russes contre les terroristes supposés responsables des attentats survenus à Moscou et ayant provoqué la mort de plus de deux cents personnes.

Force est de constater en effet qu’une opération militaire d’envergure est en cours depuis un mois, dans le cadre de ce qu’il convient désormais de qualifier de conflit armé interne.

A cet égard la FIDH condamne avec la plus grande vigueur le bombardement de Grozny le 22 octobre dernier, lequel s’est soldé par la mort de 137 civils.

De fait, selon des sources concordantes, y compris des ONG russes de défense des droits de l’Homme de retour d’une mission d’enquête en Tchétchénie et dans les camps de réfugiés en Ingouchie (Centre de défense des droits de l’Homme Mémorial et Comité d’assistance citoyenne, du 7 au 13 octobre 1999), les populations civiles payent manifestement au prix fort les hostilités en cours.

Sans qu’il soit possible à ce jour d’établir un bilan exhaustif tant les autorités russes s’opposent à la collecte indépendante d’informations, il est d’ores et déjà avéré que les morts civils se comptent par centaines et que près de trois cent mille personnes ont du fuir leurs foyers du fait des combats, en ayant parfois été pris directement pour cibles par l’aviation russe (au moins 40 000 personnes déplacées se trouveraient désormais privées de foyer).

Les nombreux témoignages de bombardements indiscriminés recueillis par les ONG russes, ajoutés aux informations faisant état de coupures généralisées de l’alimentation en électricité et en gaz, ainsi que de la fermeture de la frontière avec l’Ingouchie voisine - qui constituait le principal refuge possible pour nombre de personnes déplacées auxquelles le Daghestan avait fermé son territoire, semblent attester de la prise en otage d’une population dans son ensemble.

C’est ainsi que, pour reprendre l’analyse des ONG russes, " les réfugiés se sont retrouvés pris au piège : derrière eux, les tirs et la mort, devant eux, aucune issue possible ". Cette situation s’avère d’autant plus dramatique que, en raison des pénuries et des défauts d’approvisionnement, la situation humanitaire des réfugiés et personnes déplacées est proche de la catastrophe.

Ces évènements interviennent dans le cadre d’un état d’exception de fait, qui, faute d’être formellement déclaré, affranchit les autorités russes d’un contrôle parlementaire sur les opérations armées en cours. La motivation de ces opérations par la lutte anti-terroriste - pour légitime et nécessaire que soit cette lutte lorsqu’elle est menée conformément aux prescriptions des normes internationales de protection des droits de la personne - a également pour effet, comme le soulignent les ONG russes, " de dégager les forces fédérales des obligations du droit humanitaire (régissant les conflits armés), et par là-même d’écarter tout contrôle international ".

C’est le black out qui prévaut encore sur la situation en Tchétchénie, et qu’a relayé durant un mois la communauté internationale par un assourdissant silence - sinon en se satisfaisant des explications données par les autorités de Moscou et les médias sous leur contrôle.

La FIDH rappelle que, en tant qu’Etats Parties aux instruments des Nations Unies et de l’OSCE, la Russie et les Etats Occidentaux se sont engagés à considérer que les droits de l’Homme ne relèvent pas des affaires intérieures d’un Etat, et constituent une " préoccupation légitime " de la communauté internationale.

La FIDH appelle en conséquence les autorités fédérales de la Russie à mettre un terme immédiat aux violations massives en cours de leurs obligations internationales dans le domaine des droits de l’Homme.

Elle appelle en outre les Etats membres des Nations Unies, de l’OSCE, et singulièrement les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne, ainsi que l’Union Européenne, à intervenir énergiquement à cette fin auprès des autorités russes.

Après les discours prononcés par les occidentaux voilà quelques jours à l’Assemblée Générale des Nations Unies, il n’est pas tolérable que par leur silence, ces Etats aient consenti de fait à la poursuite de la politique actuelle russe en Tchétchénie.
La FIDH espère que les protestations émises ces derniers jours par les Etats Unis et certains membres de l’Union Européenne, traduisent une volonté réelle et déterminée de voir les autorités russes changer de politique en Tchétchénie, et non une réaction cosmétique à la retransmission par les médias du massacre de Grozny le 22 octobre

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