Paris, 16 février 2024. Alexei Navalny, le plus important leader de l’opposition russe, est mort. Après des semaines d’incertitude et de spéculation sur l’endroit où il se trouvait après son transfert d’une prison de la région de Vladimir, la nouvelle est un choc. Bien que la cause précise du décès d’Alexei Navalny reste inconnue, la FIDH considère que les mauvais traitements qu’il a subis - une grave violation des droits humains en soi - ont probablement contribué à son décès, faisant porter la responsabilité de la mort de Navalny sur les autorités russes, à un mois des élections dans le pays. La FIDH rappelle également aux autorités russes qu’elles ont le devoir de mener une enquête indépendante, impartiale et approfondie sur les circonstances qui ont conduit à la mort d’Alexei Navalny.
« Même s’il n’a jamais dit son nom, Poutine a toujours eu peur de Navalny. Cette mort horrible dissipe toute illusion quant à ses prétentions à être un dirigeant « raisonnable » ou « juste ». Nous craignons pour la vie des autres prisonnier·es politiques et victimes potentielles - Ilya Yashin, Vladimir Kara-Murza et des centaines d’autres. Mais les auteurs de ce crime - tant ceux qui ont directement torturé Navalny que ceux qui en ont donné l’ordre - devront être jugés et punis », déclare Natalia Morozova, responsable par intérim du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de la FIDH.
« Navalny a toujours été une lueur d’espoir pour un changement positif en Russie. Aujourd’hui, ce faible espoir s’amenuise davantage. Son courage, pour affronter de front la machine répressive de l’État russe et en supporter les terribles conséquences, est une source d’inspiration pour nous toutes et tous. Son optimisme quant au changement a peut-être été rattrapé par les circonstances qui ont permis à Poutine de se maintenir au pouvoir. Mais son engagement restera dans les mémoires comme un phare dans la nuit sur le chemin de la liberté », déclare Alice Mogwe, présidente de la FIDH.
Selon les services pénitentiaires russes, M. Navalny, qui purgeait une peine d’emprisonnement dans la colonie IK-3, connue sous le nom de « Polar Wolf », située dans le district de Yamalo-Nenets, au nord du cercle polaire, s’est senti « mal » et a perdu connaissance après une promenade. Il n’a pas pu être réanimé par l’équipe d’urgence. La colonie « Polar Wolf » est notoirement connue pour ses conditions de vie épouvantables, la rudesse du climat et la brutalité des mesures disciplinaires. Pendant son incarcération, Alexei Navalny a été soumis à des mauvais traitements persistants, en particulier des mises à l’isolement prolongées, et n’a pas reçu de soins médicaux adéquats.
La mort de l’opposant le plus connu au régime de Poutine intervient après des années de persécution
Depuis le début des années 2010, Alexei Navalny a été accusé, défendeur et témoin dans diverses affaires pénales, administratives, civiles et d’arbitrage, que des organisations internationales telles que la FIDH et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont jugées politiquement motivées.
En tant qu’opposant politique à Poutine, Navalny était menacé de mort. En 2020, lors d’un voyage en Russie, l’homme politique a été empoisonné au Novichok, une substance à laquelle seul·es les employé·es des laboratoires des services de sécurité russes auraient accès. Navalny a été évacué vers l’Allemagne pour y être soigné. Après s’être rétabli et bien que les services de sécurité russes aient tenté de l’assassiner, il est rentré en Russie le 17 janvier 2021. Dès son arrivée à l’aéroport de Moscou, il a été arrêté pour violation de sa liberté conditionnelle et condamné à une première peines d’emprisonnement - d’autres suivront pour une peine totale de plus de 30 ans derrière les barreaux.
En juin 2021, le tribunal de Moscou juge que le quartier général de Navalny est une « organisation extrémiste ». En août 2023, Navalny est condamné à 19 ans de prison à l’issue d’un faux procès pour « extrémisme ». La même année, trois des avocats de Navalny ont été arrêtés et deux inscrits sur une liste de personnes recherchées pour implication dans une organisation extrémiste. Après de nombreuses années de persécution, la mort d’Alexei Navalny marque le franchissement d’un nouveau seuil par le système répressif mis en place par Poutine en Russie.