Les deux chargés de mission se sont entretenus avec des réfugiés originaires de Pristina, de Lipjan, de Gnjilane (Gilan), de Kacanik (Han I Elezit) et de nombreux villages situés à l’est de la province.
D’ores et déjà, il apparaît que l’ensemble de ces opérations ont été préparées, réfléchies, conduites de façon méthodique et systématique, et qu’elles s’inscrivent dans un plan concerté dont la mise en œuvre a été entreprise avant même le début des bombardements.
La récurrence du modus operandi précis, arrêté et exécuté principalement par les forces paramilitaires et la police en liaison avec l’armée, pour terroriser et déporter massivement la population, témoigne de cette réalité ; en témoignent tout autant la préparation de convois entiers de trains spéciaux dans lesquels, sous la menace des armes, furent précipités et pressés par centaines les habitants de villes et villages, dans l’ignorance de leur destination (par exemple, les convois formés sur la ligne Pristina, Urosevac (Ferizajet Kacanik), ou encore la concomitance de coupures des lignes téléphoniques des Albanais et la concomitance des actes de mises à feu et de mises à sac de maisons, appartements et commerces. Dans plusieurs de ces villes et villages, des personnes ont été exécutées. Leurs noms ont été donnés par les témoins entendus.
Ces actes, constitutifs d’assassinats, de déportations, de persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, commis dans le cadre d’un conflit armé de caractère interne à l’encontre de la population civile et de façon systématique, sont de nature à recouvrir la qualification de crimes contre l’humanité, tels que prévus par l’article 5 des statuts du TPI.
Ils sont en outre susceptibles d’être qualifiés de violations des lois et coutumes de la guerre définies à l’article 3 des mêmes statuts.
2/ Des milliers de personnes ont fui et continuent à fuir leur village. Très nombreuses sont celles qui, dans le plus grand dénuement, se cachent dans les montagnes d’où elles sont empêchées de rejoindre la frontière par la peur, par les forces serbes ou encore par les forces macédoniennes.
Le pire est à craindre pour les hommes, femmes et enfants qui se sont ainsi repliés dans les montagnes situées dans la région de Kacanik et dans celles du sud-est de la province, entre Kacanik et Gnjilane notamment. De nombreux décès doivent être déplorés.
Il est de la première urgence de tout entreprendre pour assurer à ces personnes les soins et la protection que nécessite leur état et pour obtenir sans délai l’ouverture de la frontière à proximité des lieux où elles se trouvent.
3/ Depuis ces derniers jours, des réfugiés arrivent quotidiennement par milliers au poste frontière de Blace au terme de plusieurs jours et parfois plusieurs semaines d’errance et de marche à travers les montagnes. Ils doivent alors attendre encore des heures avant d’être autorisés par la police macédonienne à franchir la frontière..
La FIDH et Médecins du Monde demandent aux autorités concernées de pourvoir à l’accueil des réfugiés dès le franchissement de la frontière et de les acheminer dans des conditions décentes dans les camps où ils sont affectés.
Le surpeuplement de ceux-ci commande l’organisation urgente de nouveaux lieux d’accueil.
4/ La FIDH et Médecins du Monde demandent à la communauté internationale de tout mettre en oeuvre pour permettre de continuer à réunir ces preuves, auprès des centaines de milliers de réfugiés albanais du Kosovo désormais en Macédoine, dans des conditions de confidentialité optimales pour garantir la sécurité des personnes entendues, afin que les responsables de ces crimes majeurs, qu’ils en soient les auteurs directs ou les ordonnateurs, puissent être poursuivis.