« Nous sommes profondément troublé·es par le fait que l’Italie persiste à ne pas remédier à la situation à Tarente, et que les citoyen·nes de l’UE - en particulier les enfants - soient toujours exposé·es à ce niveau de pollution et de nuisance. »
« Ceci est particulièrement inquiétant à l’heure où des discussions sont en cours au niveau européen concernant de nouveaux instruments qui permettraient de mieux protéger les droits humains et l’environnement des activités des entreprises » a conclu Maddalena Neglia.
En avril 2018, la FIDH, l’UFTDU et les organisations partenaires Peacelink et Human Rights International Corner ont publié un rapport dénonçant la crise environnementale et sanitaire et l’inaction du gouvernement dans le scandale d’ILVA. Il s’agit de l’une des nombreuses études alarmantes qui sous-tendent la décision de la Cour. Elles montrent que les enfants vivant dans des zones à risque de pollution ont 54 % plus de risques de développer un cancer que la moyenne régionale, les hommes 30 % et les femmes 20 %. [2]
Les conséquences néfastes des activités d’ILVA sur l’environnement étaient connues du gouvernement italien depuis au moins les années 1990. Cependant, l’adoption de mesures préventives ou de sanctions a été délibérément retardée, en violation flagrante des obligations européennes et internationales de l’Italie en matière de droits humains. L’impact de la crise de santé publique sur les habitant·es de Tarente a été dénoncé à plusieurs reprises par plusieurs instances et organisations, dont récemment par le Groupe de travail des Nations unies sur les entreprises et les droits humains lors de sa visite en Italie en octobre 2021.
« Trop, c’est trop ! Le gouvernement italien doit prendre des mesures immédiates pour assainir la zone, comme le réaffirment aujourd’hui quatre nouveaux arrêts. Malheureusement, la Cour européenne n’est pas allée jusqu’à examiner le bien-fondé des demandes de réparation des personnes vivant dans les zones entourant l’ancienne ILVA et qui ont été gravement lésées par les émissions polluantes. »
Ces arrêts de la CEDH, qui accepte ou rend rarement des jugements dans des affaires liées à des activités commerciales, font suite à sa décision de 2019 dans l’affaire "Cordella et autres c. Italie" sur la même question. Cette décision représente une nouvelle étape importante dans le développement de la jurisprudence de la Cour à cet égard. Toutefois, il est regrettable que la Cour, tout en reconnaissant les violations commises par le gouvernement italien et le préjudice causé par l’entreprise, n’ait accordé une indemnisation aux requérant·es que dans une seule des affaires.
Le gouvernement italien est désormais tenu de remédier aux conséquences des activités passées d’ILVA et de prévenir les dommages futurs. Mais le fait que le gouvernement n’ait pas pleinement exécuté l’arrêt de 2019 crée un précédent inquiétant. L’arrêt de la Cour doit être rapidement et intégralement mis en œuvre pour garantir enfin un accès effectif et complet à la justice aux habitant·es de Tarente. S’ils sont correctement exécutés, ces arrêts enverront un message fort à travers l’Europe : les violations des droits humains et de l’environnement par les entreprises ne resteront pas impunies et les victimes de violations pourront obtenir justice.
Ces décisions sont adoptées dans le cadre de discussions au niveau de l’UE sur la nouvelle législation proposée par la Commission européenne sur le gouvernement d’entreprise durable, qui introduirait des normes contraignantes pour les États membres de l’UE sur les droits humains en entreprises et la diligence raisonnable en matière d’environnement. Les décisions de la CEDH et les négociations sur le projet de directive confirment la tendance en Europe des organisations régionales et des tribunaux à fixer un seuil plus strict en matière de responsabilité des entreprises et à exiger des États membres des normes plus élevées pour faire respecter leurs obligations. Le fait que l’Italie n’exécute pas rapidement et intégralement l’arrêt de la CEDH ne priverait pas seulement les victimes de la réparation à laquelle elles ont droit ; cela irait également à l’encontre de cette tendance régionale et compromettrait la position du gouvernement italien sur ces questions.