A Huelva, en Andalousie, la culture intensive de la fraise, destinée à être exportée de manière précoce vers les marchés européens, fait appel pendant quelques mois de l’année à une main-d’œuvre temporaire abondante (soit plus de 50 000 personnes), principalement constituée de travailleurs migrants. Les conditions économiques, de concurrence et de vente des produits, poussent les producteurs à réduire au maximum leurs frais et à utiliser la main-d’œuvre comme variable d’ajustement.
Le rapport d’enquête de la FIDH publié ce jour, intitulé « Main-d’œuvre importée pour fraises exportées » sur la situation des travailleurs saisonniers dans les plantations de fraises dans le sud de l’Espagne, met en lumière les entraves aux droits humains dans un système de migration circulaire.
Afin de réguler les flux migratoires et de subvenir aux besoins en main d’œuvre d’un secteur peu attractif pour les travailleurs, même en période de chômage important, le gouvernement espagnol a mis en place le système de la contratación en origen. Ce système vise à recruter « à la source », dans leur pays d’origine, des travailleurs qui sont alors convoyés puis répartis dans les plantations. Condition préalable à toute embauche : un engagement à retourner dans leur pays d’origine à la fin de la saison.
Avec l’entrée dans l’Union européenne des pays de l’Est de l’Europe, permettant aux travailleurs de cette région de circuler librement, le recrutement à la source concerne désormais uniquement des travailleuses marocaines. Celles-ci sont choisies parmi les femmes mariées, avec des enfants en bas âge, critères censés assurer un retour au pays et prévenir des tentatives de prolonger leur séjour sur le sol européen.
Un cadre juridique peu protecteur pour les travailleurs agricoles saisonniers en Andalousie,dans lequel les jours non travaillés ne sont pas rémunérés et où la représentation syndicale de ces travailleurs est quasi-impossible, conjugué à un système de migration circulaire induit des atteintes aux droits des travailleurs qui se trouvent complètement dépendants de leur employeur.
En multipliant les obstacles à l’immigration et en ne créant que de rares fenêtres d’opportunité de travail légal, la politique migratoire de l’Union européenne, et celle de l’Espagne en particulier, placent de fait les migrants et migrantes dans une situation de vulnérabilité face aux employeurs et aux intermédiaires et porte atteinte au droit à une vie familiale normale. Il s’agit là d’une des conséquences négatives intrinsèques du système de migration circulaire, modèle promu par l’Union européenne, afin de pourvoir aux besoins en main d’œuvre, tout en garantissant la non-installation des migrants sur son sol.
Recommandations clés :
Afin de renforcer la protection des travailleurs saisonniers agricoles, la FIDH appelle les autorités espagnoles à :
- Faciliter la possibilité pour les travailleurs saisonniers d’obtenir des cartes de séjour permanent et de faire venir leurs familles ;
- Réformer le droit du travail et notamment la Convention collective de Huelva afin de renforcer les protections octroyées aux travailleurs agricoles ;
- Intensifier les inspections du travail ;
- Ratifier la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
La FIDH appelle le gouvernement marocain à supprimer les critères discriminatoires dans les recrutements et les gouvernements marocain et espagnol à tout mettre en œuvre afin de garantir les droits sociaux des migrants et de leurs familles (couverture médicale, chômage, retraite etc.).
La FIDH appelle les entreprises de la grande distribution, à veiller au respect des droits de l’Homme des travailleurs par leurs fournisseurs.
La FIDH appelle le parlement européen à amender la proposition de « directive travailleurs saisonniers » afin d’augmenter le niveau de protection et l’accès aux droits, en renforçant l’égalité de traitement, la non discrimination, les conditions de logement et de travail décentes et la protection sociale. Enfin, la FIDH appelle l’Union européenne à remettre au cœur de sa politique migratoire les principes de respect des droits humains, de non-discrimination et d’égalité de traitement.
Rapport en français :