(Bruxelles) Suite aux attentats de Paris du 13 novembre dernier, le gouvernement a annoncé l’adoption de 18 mesures visant à lutter contre le terrorisme. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la FIDH ont passé en revue ces mesures sous l’angle critique du respect des droits fondamentaux, des libertés individuelles et de la législation déjà existante en matière de lutte contre le terrorisme.
Si la lutte contre le terrorisme est une nécessité- l’Etat a l’obligation de garantir la sécurité publique et l’intégrité physique des citoyens, cette lutte légitime et indispensable ne peut, sous couvert d’un hypothétique accroissement de la sécurité, se faire au détriment des libertés fondamentales inhérentes à tout Etat démocratique.
C’est pourtant, au regard de l’analyse réalisée par la LDH et la FIDH, un des principaux problèmes de ces mesures.
Les mesures telles que celles permettant la mise sous surveillance électronique de personnes suspectées de terrorisme, par exemple, laissent craindre une dangereuse appropriation des pouvoirs du judiciaire par le pouvoir exécutif. La potentialité d’une mise à mal du principe de séparation des pouvoirs nous inquiète et n’est pas le reflet d’une démocratie saine.
La LDH constate également que certaines de ces 18 mesures pourraient constituer des entraves importantes au respect des droits fondamentaux. Parmi celles-ci, la prolongation de 24h à 72 heures de la garde à vue. Cette mesure, nécessitant une modification de la Constitution, se révèle inutile au vu de la rareté du recours, actuellement légalement possible, au prolongement de 48h. La possibilité de perquisitionner la nuit porte atteinte à la vie privée non seulement du suspect -présumé innocent - mais également à celle de sa famille et de ses enfants pour qui cela peut constituer une expérience traumatisante. La nécessité de cette mesure reste d’autant plus à prouver que les perquisitions de nuit sont déjà largement utilisées, soit sur base du flagrant délit, soit en matière de stupéfiants, soit encore sur base du consentement des personnes concernées.
Autre constat : plusieurs mesures (contrôle systématique de l’enregistrement de tous les passagers dans les transports internationaux, enregistrement des plaques minéralogiques, fin de l’anonymat des cartes de GSM prépayées) permettent au gouvernement de contrôler massivement la population. Sans entrer ici dans le détail de leur potentiel, d’efficacité variable (voir analyse), la LDH et la FIDH constatent que le gouvernement, en dépit des expériences du passé et des constats des experts, persiste à augmenter la récolte d’informations plutôt que de se pencher sur la qualité de celles-ci , de concentrer les contrôles sur ceux qui posent de vraies questions de sécurité ou de renforcer, au niveau local, le renseignement humain. Contrôler tout le monde est absurde, inefficace et contreproductif. Trop d’information tue l’information.
Enfin, la présence, dans ce package, de mesures déjà existantes, telles que le renforcement des contrôles policiers aux frontières ou l’expulsion des prédicateurs de haine, laisse entrevoir qu’au-delà de la réponse légitime aux attentats, le gouvernement se livre à un exercice politicien de communication sécuritaire qui ne devrait pas avoir sa place dans un contexte d’une telle gravité.
Ces mesures sont-elles un Patriot Act "à la belge" ? Non, certainement pas. Mais il ressort de leur analyse l’impression que, au-delà des doutes de la LDH et de la FIDH quant à l’utilité ou l’efficacité de certaines d’entre elle, le gouvernement ne semble/souhaite ni prendre la mesure de la complexité du processus qui mène à l’exécution d’actes terroristes ni s’attaquer au moyens qui en facilitent le financement (secret bancaire, paradis fiscaux, contrats avec l’Arabie Saoudite…). Apporter une réponse exclusivement répressive au terrorisme est voué à l’échec.
La surenchère sécuritaire comme priorité politique sonne comme un aveu d’échec démocratique.