Les droits humains en cage : trois dirigeants de Viasna affrontent de fausses accusations au Bélarus

Vitaly Pivocarchik / Belta / AFP

9 janvier 2023. Trois dirigeants de Viasna, une des principales organisations bélarusses de défense des droits humains et membre de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), sont jugés depuis le 5 janvier 2023. Le lauréat du prix Nobel pour la paix Ales Bialiatski, le vice-président de la FIDH Valiantsin Stefanovic et l’avocat Uladzimir Labkovich font face à de fausses accusations. Pendant les premières journées du procès, les observateurs·ices ont pu constater que les accusés semblent atteints physiquement par des conditions de détention extrêmes. Leur volonté, elle, reste intacte.

Le visage de la dignité. Le 8 janvier 2023, les trois accusés étaient assis menottés derrière les barreaux, visiblement amoindris par les mauvais traitements, mais impassibles lors de la litanie d’inculpations prononcée pendant plus de deux heures par le procureur Aliaksandr Karol. Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovic et Uladzimir Labkovich, tous dirigeants de Viasna, comparaissent dans un procès ayant débuté le 5 janviers 2023. Ils sont accusés de « mouvement illégal d’argent liquide à travers la frontière douanière de l’Union économique eurasienne à grande échelle par un groupe organisé » et de « financement d’actions de groupe violant grossièrement l’ordre public », des accusations forgées de toutes pièces et régulièrement utilisées pour punir les organisations de la société civile au Bélarus.

Ils sont tous trois emprisonnés depuis juillet 2021 dans des conditions s’apparentant à de la torture, tandis que les procédures judiciaires à leur encontre se sont relevées injustes et irrégulières. L’enquête a dépassé sa durée légale, les détenus ont été privés de visites familiales et leur accès à leurs avocats et aux traitements médicaux a été sévèrement limité. Le premier jour des audiences, leurs familles et leurs collègues ont pu les voir pour la première fois depuis leur arrestation, ce qu’ils n’avaient pas pu faire en 17 mois même à distance.

Des défenseurs des droits humains menottés et en cage

« Les trois militants jugés sont des personnalités centrales de la FIDH, des exemples de résilience, de persévérance et de courage. Leur libération est notre combat, nous ne nous arrêterons jamais de militer tant que l’ensemble des prisonnier·es politiques au Bélarus ne seront pas libéré·es. »

Éléonore Morel, directrice exécutive de la FIDH

« Alès, Valentsin et Uladzimir portent les stigmates de leurs conditions de détention sur leur visage. Pourtant, leur attitude montre que l’une des pires dictatures d’Europe n’a jamais réussi à leur ôter leur dignité », déclare Pavel Sapielko, membre par intérim de la direction de Viasna et vice-président par intérim de la FIDH en remplacement de Valentsin Stefanovic.

« Ils ne les ont pas brisés, ils ne réussiront jamais. Dans leur cage, mes amis et mes collègues sont plus libres que leurs pseudo-juges : ils ne vivent pas dans le mensonge. »

Pavel Sapielko, Viasna

La mise en accusation a été établi après 120 perquisitions dans tout le pays et l’audition d’une centaine de témoins. Le dossier pénal comprend 284 volumes de plus de 300 pages chacun, un record pour un procès politique au Bélarus. Ales Bialiatski a déclaré qu’il n’avait pas pu tout lire et la demande de son avocat de disposer de plus de temps pour se familiariser avec les documents a été rejetée.

La première audience du procès a été marquée par d’autres violations des droits humains. Les documents relatifs à l’affaire, ainsi que les audiences du procès jusqu’à présent, sont en russe. Les demandes des accusés de bénéficier d’un interprète afin de pouvoir s’exprimer dans leur langue natale, le bélarusse, ont été rejetées par le juge, contrairement au droit national et international. Le juge a également rejeté la demande des accusés de retirer leurs menottes, alors qu’ils ont été placés dans une cage pendant le procès en violation des droits humains. Outre les mauvais traitements infligés aux prisonniers, les excès de ce procès ne peuvent que servir Alexandre Loukachenko, qui cherche à en faire un symbole de son emprise sur le pays et ses institutions.

Emprisonné pour avoir défendu la liberté au Bélarus

Intolérant à toute forme de contestation, le Président autoritaire, dont la réélection en 2020 a suscité des manifestations sévèrement réprimées, a supervisé la destruction pure et simple de la société civile au Bélarus. Rien qu’en 2021, les autorités ont fermé plus de 275 organisations de défense des droits humains et autres organisations de la société civile, ne laissant aucune ONG indépendante opérer légalement dans le pays. En décembre 2021, les autorités ont réintroduit la responsabilité pénale pour le travail avec des organisations non enregistrées ou liquidées. Cela a conduit à une criminalisation de facto du travail de défense des droits humains dans le pays.

Conformément à cette politique à l’égard des activités de défense des droits humains, le procureur a énuméré les « actions criminelles  » imputées aux accusés : assistance aux détenu⋅es après des manifestations, paiement des honoraires d’avocat⋅es, organisation d’une surveillance indépendante des élections et poursuite des activités de Viasna après sa liquidation. Il a également nommé des personnes qui ont reçu de l’aide de Viasna.

Au 9 janvier 2023, six membres de Viasna sont emprisonné⋅es, dont Marfa Rabkova, Andrei Chapyuk et Leanid Sudalenka.

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