Paris, Genève, 3 mars 2024. Le 3 mars 2023, le tribunal du district de Leninsky à Minsk a condamné les membres de Viasna Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovic et Uladzimir Labkovich à dix, neuf et sept ans d’emprisonnement, respectivement. Zmitser Salauyou, un membre de Viasna jugé par contumace dans la même affaire, a été condamné à huit ans de prison. Les procédures engagées contre les quatre défenseurs des droits humains étaient fondées sur des accusations forgées de toutes pièces et entachées de graves violations des droits humains, mettant en évidence la nature politiquement motivée et persécutrice du procès.
Aujourd’hui, un an après le verdict, l’Observatoire et les organisations signataires réitèrent leurs vives préoccupations concernant l’emprisonnement injuste d’Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovic et Uladzimir Labkovich, ainsi que le risque élevé de torture et de mauvais traitements qu’ils encourent en détention.
Début mai 2023, Ales Bialiatski a été transféré du centre de détention provisoire n° 1 à la colonie pénitentiaire n° 9 de Horki, considérée comme l’une des prisons les plus dures du Bélarus. Elle est connue pour ses conditions brutales, en particulier pour les prisonniers politiques, qui sont systématiquement soumis aux harcèlements et mauvais traitements, y compris la détention au secret, l’isolement et le placement injustifié et prolongé dans des cellules disciplinaires. En effet, en novembre 2023, on a appris qu’Ales Bialiatski avait été placé dans une pièce de type cellule (PKT), dans des conditions de détention punitives en raison de son profil de défenseur des droits humains. Pendant une longue période, il a été privé de tout contact avec son avocat et ses proches, qui ne peuvent pas l’appeler et ne reçoivent pas de lettres de sa part. De même, Ales Bialiatski ne reçoit apparemment pas de lettres ni de colis de l’extérieur. Actuellement, l’administration pénitentiaire refuse de lui remettre les colis contenant du matériel médical provenant des proches d’Ales Bialiatski, son état de santé demeure inconnu.
L’Observatoire est également préoccupé par la situation d’Uladzimir Labkovich, détenu dans la colonie pénitentiaire n° 17, et de Valiantsin Stefanovic, actuellement détenu dans la colonie pénitentiaire n° 15, où il a été contraint d’effectuer des travaux extrêmement pénibles et mal rémunérés. En janvier 2024, Valiantsin Stefanovic a également été transféré dans une pièce de type cellulaire (PKT), où il est maintenu en permanence en cellule et n’a droit qu’à 30 minutes par jour à l’extérieur. Valiantsin Stefanovic ne reçoit que du courrier ou des colis envoyés par sa famille. Les appels téléphoniques et les visites familiales lui sont interdits.
En décembre 2023, les trois défenseurs des droits humains ont également été inscrits sur la liste des « extrémistes » établie par le ministère bélarusse de l’Intérieur, et de ce fait ont fait l’objet d’une répression accrue.
Au cours des 17 mois passés en détention provisoire après leur arrestation arbitraire le 14 juillet 2021, Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovic et Uladzimir Labkovich étaient déjà maintenus dans des conditions de détention déplorables, avec un accès extrêmement restreint à leurs avocats, à l’assistance médicale et à la communication.
L’Observatoire rappelle qu’Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovic et Uladzimir Labkovich ont été arbitrairement détenus par des agents du département des enquêtes financières du Bélarus le 14 juillet 2021. Alors qu’ils étaient initialement détenus sur la base d’accusations falsifiées de « fraude fiscale » (article 243.2 du Code pénal bélarusse), de nouvelles accusations forgées de toutes pièces de « contrebande » et de « financement d’actions de groupe ayant perturbé l’ordre public » (article 228.4 et article 342.2 du Code pénal bélarusse) ont été déposées contre eux, en septembre 2022, laissant peu de temps aux accusés et à leurs avocats pour préparer une nouvelle stratégie de défense avant l’ouverture du procès le 5 janvier 2023. Au cours de la procédure, une mission d’observation du procès mandatée par l’Observatoire a rendu compte d’importantes violations des droitshumains.
Le jugement, annoncé le 3 mars 2023, est officiellement entré en vigueur le 21 avril 2023, lorsque le tribunal municipal de Minsk a rejeté les appels des accusés. Outre la peine de prison, les trois défenseurs des droits humains ont également été condamnés à de lourdes amendes.
Les représailles contre Viasna et ses membres s’inscrivent dans le cadre d’une répression plus large de la société civile au Bélarus, à la suite des manifestations de masse contre les élections présidentielles truquées de 2020. À l’issue de ces manifestations, les autorités ont fermé toutes les organisations de défense des droits humains et autres organisations indépendantes, de sorte qu’il ne reste plus une seule ONG de défense des droits humains exerçant son activité légalement dans le pays. Viasna est l’une des principales organisations bélarusses de défense des droits humains, cheffe de file du mouvement bélarusse des droits humains. Elle est notamment connue pour avoir dressé une liste de prisonnier·es politiques au Bélarus qui comptait 1 413 personnes, au 27 février 2024.
L’Observatoire et toutes les organisations signataires condamnent fermement la condamnation injuste et la détention arbitraire d’Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovic et Uladzimir Labkovich, et exhortent les autorités bélarusses à annuler leurs condamnations et à les libérer immédiatement et sans condition. L’Observatoire et toutes les organisations signataires exhortent en outre les autorités bélarusses à libérer immédiatement et sans condition Marfa Rabkova et Andrey Chapiuk, membres de Viasna détenus arbitrairement, ainsi que tou·tes les autres prisonnier·es au Belarus condamné·es pour des motifs politiques, et à mettre fin à tous les actes de harcèlement à leur encontre, y compris au niveau judiciaire.