En amont de la réunion, la FIDH (Fédération internationale pour les Droits Humains) et ses organisations membres Covenants Watch (Taiwan) et Taiwan Association for Human Rights appellent les actionnaires de Formosa Plastics Group dans le monde entier à se conformer à leur responsabilité de respecter les droits de l’Homme à travers les investissements de la société, comme indiqué dans les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme (UNGPs), et à prendre les mesures suivantes :
1. Sur les violations de l’environnement et des droits de l’homme.
Nous appelons les actionnaires à demander à Formosa Plastics Group d’assumer ses responsabilités d’entreprise en matière de respect des droits humains, de faire preuve de diligence raisonnable pour remédier aux violations des droits humains et de l’environnement en cours et de prévenir la survenue d’incidents similaires à l’avenir. Le Groupe Formosa Plastics doit également atténuer les risques associés aux violations de l’environnement et des droits humains et fournir une réparation pour les dommages causés aux droits humains et à l’environnement, y compris en assumant sa responsabilité légale devant les tribunaux. Nous rappelons aux actionnaires que leur investissement dans le Groupe Formosa Plastics est directement lié aux violations de l’environnement et des droits humains, telles que : la pollution causée par son usine pétrochimique dans le comté de Yunlin, à Taïwan ; la pollution marine et les impacts sur les droits humains qui en découlent pour les communautés côtières du centre du Vietnam ; et la pollution environnementale dans les États du Texas et de la Louisiane aux États-Unis.
2. Sur sa contribution au changement climatique.
Nous appelons les actionnaires à demander à Formosa Plastics Group de proposer un plan concret de réduction significative des émissions de carbone et une feuille de route sans combustibles fossiles.
3. Sur le respect du droit à l’information des riverains.
Nous demandons aux actionnaires d’exiger de Formosa Plastics Group qu’il mette en place des systèmes de surveillance de l’environnement partout où il opère - directement et par l’intermédiaire de ses filiales - dans le monde et qu’il s’assure que ces systèmes sont transparents et que les données sont accessibles aux résidents locaux.
Nous demandons aux administrateurs indépendants nouvellement élus du conseil d’administration d’assumer leurs responsabilités et de surveiller la pollution environnementale que Formosa Plastics Group a générée dans diverses juridictions à travers le monde, et d’empêcher les plans d’investissement qui ont le potentiel de violer les droits de l’homme. Nous demandons également à Formosa Plastics Group de divulguer les qualifications et les critères de nomination et d’élection des administrateurs indépendants, afin de garantir que les futurs administrateurs disposent des connaissances et de l’expertise nécessaires en matière de protection de l’environnement et des droits de l’homme.
Contexte du cas
En avril 2016, environ 300 tonnes de poissons sont morts sur le bord de mer de quatre provinces de la région du centre-nord du Vietnam : Ha Tinh, Quang Binh, Quang Tri et Thua Thien-Hue. Après enquête, le rapport de l’Assemblée nationale vietnamienne a identifié la Formosa Ha Tinh Steel Corporation, une filiale du groupe Formosa Plastics (FPG) basé à Taïwan, dans la zone économique de Vung Ang au Vietnam, comme étant le principal responsable de l’incident de pollution, qui a provoqué cette pollution marine désastreuse en rejetant dans la mer des eaux usées contenant des substances toxiques, telles que du phénol et du cyanure. Le 30 juin 2016, Formosa Ha Tinh Steel Corporation a publiquement admis sa responsabilité dans la pollution environnementale qui a touché jusqu’à 125 miles de la côte centrale du Vietnam et porté atteinte aux moyens de subsistance de plus de 200 000 personnes, dont 41 000 pêcheurs. Dans le même temps, la société a été condamnée à verser 500 millions de dollars de compensation au gouvernement. Mais très peu de victimes ont été indemnisées et, en tout état de cause, ce règlement était insuffisant pour compenser pleinement l’ampleur des dommages.
Une ONG basée aux États-Unis, Justice for Formosa Victims, a recueilli les témoignages et les déclarations sous serment de dizaines de personnes, principalement dans les régions touchées du centre du Viêt Nam, qui ont subi et été témoins des mesures de répression de l’État liées à l’affaire Formosa. Ces mesures de répression ont pris de nombreuses formes, notamment : des violences ciblées contre des manifestants pacifiques ; des arrestations et détentions arbitraires de centaines de critiques et de manifestants sur la base d’accusations forgées de toutes pièces ; et l’utilisation du système judiciaire pour faire taire les dissidents par de longues peines de prison. Cette répression systématique, qui est une réaction fréquente du régime autoritaire du Vietnam, a été condamnée à plusieurs reprises par des organisations internationales et des ONG indépendantes.
Le 11 juin 2019, 7 875 victimes vietnamiennes, avec l’aide d’ONG du Vietnam et de Taïwan (notamment l’Association des juristes de l’environnement, la Fondation pour les droits environnementaux, l’Organisation pour la justice des victimes de Formosa et le Bureau des travailleurs migrants et immigrés vietnamiens), ont déposé un procès transnational à Taïwan contre FPG, auprès du tribunal de district de Taipei. Les plaignants ont allégué que la pollution marine produite par l’entreprise avait causé des dommages et mis en danger leur santé physique, faisant valoir que les plaignants avaient droit à la santé et à un environnement sain. Ils ont en outre affirmé qu’au Vietnam, leur liberté d’expression, leur liberté de réunion et leur droit à l’information n’étaient pas respectés, ce qui les mettait en danger s’ils engageaient un procès au Vietnam.
En octobre 2019, le tribunal de district a rejeté la demande au motif de l’absence de compétence, puisque l’affaire concernait des ressortissants vietnamiens et s’était produite au Vietnam. Le 24 octobre 2019, les plaignants et les ONG ont fait appel auprès de la Haute Cour de Taiwan Taipei, mais leur appel a été rejeté en mars 2020. Les plaignants ont alors fait appel devant la Cour suprême de Taïwan qui, en novembre 2020, a conclu que puisque FPG avait son siège social à Taïwan, les tribunaux taïwanais étaient compétents pour cette affaire. En conséquence, la Haute Cour de Taiwan a finalement accepté d’affirmer sa compétence à l’égard des défendeurs basés à Taiwan, y compris FPG, en avril 2021. Cependant, les juges de la Haute Cour ont refusé d’inclure parmi les défendeurs Formosa Ha Tinh Steel Corporation, qui est l’entité directement liée à la pollution marine. Les plaignants ont donc fait appel devant la Cour suprême de Taïwan dans l’espoir qu’un procès de fond puisse bientôt avoir lieu au tribunal de district de Taipei.