La mission, organisée en étroite coopération avec la Commission pakistanaise des droits de l’Homme (HRCP), l’organisation membre de la FIDH au Pakistan, s’est rendue à Lahore, Islamabad et Karachi. Les chargées de mission de la FIDH, Mesdames Délou Bouvier, juge, et Fatma Boggio-Cosadia, juriste spécialisée dans le domaine des droits de l’Homme, ont mené des entretiens avec des juges, des avocats, des journalistes, des diplomates, des représentants de la société civile et des partis politiques.
L’état d’urgence imposé par le Général Musharraf le 3 novembre 2007 a généré une mobilisation sans précédent des juges, des avocats et de la société civile en général – une longue marche pour la démocratie et l’Etat de droit. Ce mouvement reflète l’aspiration profonde des plus défavorisés, désormais rejoints par la classe moyenne, à un profond changement d’un ordre socio-économique devenu insupportable, et à une justice indépendante. Les résultats des élections de 2008 ont montré que la population refuse la logique obscurantiste de répression que le pouvoir et les extrémistes religieux entendent lui imposer.
« Ignorer l’aspiration au respect des droits fondamentaux et la nécessité de garantir l’indépendance et partant la légitimité du pouvoir judiciaire serait une grave erreur. Le gouvernement Zardari n’a pas rétabli dans ses fonctions l’ancien président de la Cour suprême illégalement démis, Iftikhar Chaudry, ce qui légitime une grave atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire au Pakistan. Le status quo serait un signal à tout gouvernement que les juges peuvent être limogés à sa convenance », ont déclaré les chargées de mission de la FIDH.
Les violations massives des droits économiques et sociaux fournissent un terrain fertile pour le renforcement des groupes terroristes militants. Si la lutte contre le terrorisme est légitime et nécessaire, les pratiques illégales actuelles favorisent des réponses violentes et empêchent le renforcement des pratiques démocratiques et de l’Etat de droit. Aggravées par la législation et les juridictions anti-terroristes, par des pratiques devenues systématiques dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », et encouragées par la politique des Etats-Unis au Pakistan depuis 30 ans, et plus particulièrement depuis le 11 septembre 2001, les disparitions forcées, les actes de torture et de traitements inhumains et dégradants, les détentions illégales et les mauvais traitements en détention sont quotidiennement le fait de l’armée, de la police, des services secrets et des responsables des prisons et autres officiels.
« Plutôt que de répondre à la montée du terrorisme, arme utilisée par les fondamentalistes pour opprimer la population, ces pratiques alimentent une perte totale de confiance de la population en l’Etat, promeuvent des réponses violentes, sapent toute alternative démocratique et nuisent aux défenseurs des droits de l’Homme », ont ajouté les chargées de mission, Delou Bouvier et Fatma Cosadia. Les ONG locales estiment à des milliers le nombre total de personnes disparues depuis 2001.
La FIDH appelle le gouvernement du Pakistan à assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire, à mettre un terme immédiat à la pratique de la torture et des disparitions forcées, notamment perpétrées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et à s’engager à protéger les droits de l’Homme. En outre, la FIDH appelle la communauté internationale à inclure les recommandations formulées dans son rapport comme partie intégrante de son dialogue avec le Pakistan.