Paris, le 6 juillet 2023. Ce rapport, soutenu par ALTSEAN-Burma, la FIDH et Reporters sans frontières, révèle que ces investissements du Crédit Agricole, de La Banque Postale, du groupe BPCE, de BNP Paribas, de la Société Générale et du Fonds de Réserve pour les Retraites (FRR) s’élèvent à plus de 6 milliards de dollars américains, dont 75 % dans le secteur des énergies fossiles. Ces investissements concernent aussi des entreprises dans le secteur de l’armement et des télécommunications au bénéfice de la junte birmane, mise en cause pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les investissements du Crédit Agricole représentent à eux seuls 4 milliards de dollars américains.
Les entreprises dont ces six institutions financières sont actionnaires ont été divisées en deux catégories : celles ayant une relation directe et ancienne avec l’armée birmane ou avec des entreprises contrôlées par l’armée avant le coup d’État (catégorie 1) et celles ayant une relation commerciale directe avec des entreprises publiques sous contrôle militaire suite au coup d’État du 1er février 2021 (catégorie 2).
Le rapport souligne le lien entre ces investissements et les violations généralisées et systématiques des droits humains en Birmanie, notamment l’emprisonnement de 70 journalistes et d’autres restrictions sévères de la liberté de la presse.
Il révèle que le Crédit Agricole investit notamment dans Bharat Electronics Limited (BEL), une entreprise publique d’armement indienne mise en cause pour des ventes de matériel militaire à la junte birmane depuis le coup d’État de 2021 [2] et qui est un partenaire de premier plan du groupe Thalès.
Ces révélations interviennent alors que la France s’apprête à recevoir le premier ministre indien, Narendra Modi, en tant qu’invité d’honneur au défilé du 14 Juillet à Paris, dans le cadre des célébrations des 25 ans du partenariat France-Inde.
Les investissements français et le partenariat entre l’Inde et la France en matière de défense devraient être rigoureusement passés au crible à l’aune de ces constatations, afin qu’aucun financement français ne soit en mesure d’alimenter le flux d’armes vers la junte.
Le Crédit Agricole investit également dans l’entreprise Sinotruk Hong Kong Ltd, mise en cause dans un récent rapport de Tom Andrews, Rapporteur Spécial de l’ONU sur la Birmanie, pour avoir transféré des équipements à la junte birmane depuis le coup d’État.
Le Crédit Agricole, le Groupe BPCE, BNP Paribas, la Banque Postale et le Fonds de Réserve pour les retraites détiennent par ailleurs des parts dans la société japonaise KDDI et son partenaire Sumitomo Corporation. Ces entreprises du secteur des télécommunications continuent de faire affaire avec la junte militaire à travers leurs opérations conjointes avec le Myanmar Posts et Télécommunications (MPT), en soutien des capacités de surveillance de la junte.
Le rapport interpelle les cinq banques et le fonds de pension par rapport au respect de leurs obligations au titre de la loi sur le devoir de vigilance de 2017 et des standards internationaux sur les entreprises et les droits humains. Nous demandons à ces institutions financières de se désengager immédiatement et de manière responsable des entreprises listées en catégorie 1 et de céder leurs parts dans les entreprises de catégorie 2 dès lors que celles-ci ne cesseraient pas leur soutien à la junte.
La France doit par ailleurs garantir que le Fond de réserve pour les retraites n’investit pas dans des entreprises liées aux militaires birmans.
Les données publiées dans le rapport mettent l’accent sur la nécessité pour la France de donner à la loi sur le devoir de vigilance toute sa portée pratique à l’égard des entreprises du secteur financier et sur l’importance des négociations en cours au niveau européen en vue de l’adoption d’une directive sur la diligence raisonnable des entreprises. Il est reproché à plusieurs pays, parmi lesquels la France, de promouvoir un champ d’application restreint du texte en négociation, qui aurait de facto pour effet d’en exclure le secteur financier. La plus grande vigilance s’impose par rapport aux tractations en cours jusqu’à l’adoption du texte final.
Pour la coordinatrice d’Info Birmanie, « il est urgent de voir le Crédit Agricole désinvestir du fabricant d’armes indien Bharat Electronics Limited, dont le fonds souverain norvégien Norges Bank Investment Management, notamment, a désinvesti en raison de ses ventes d’armes à la junte birmane. »
Yadanar Maung, porte-parole de Justice for Myanmar, déclare : « Il est inacceptable que les banques françaises et un fonds de pension continuent d’investir dans des entreprises ayant des liens connus avec l’armée birmane qui commet des atrocités contre son peuple en toute impunité. Ces banques doivent agir maintenant pour s’assurer qu’elles ne soutiennent en aucune manière la junte. Nous appelons la France, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, à prendre une position ferme contre les transferts d’armes à la junte, y compris de l’Inde, et d’appuyer l’adoption d’un embargo sur les armes... »
Henrieke Butijn, chargée de recherche et de campagne climat à BankTrack ajoute : « Il est scandaleux que ces banques n’aient toujours pas pris les mesures adéquates pour évaluer et couper les liens avec les entreprises liées à la junte birmane, même après que leurs investissements ont été révélés il y a deux ans [3]. Cela fait deux ans que la junte a pu utiliser les revenus des combustibles fossiles et les produits d’entreprises telles que Bharat Electronics pour terroriser la population. En n’agissant pas sur leurs investissements, ces groupes français ne violent pas seulement les principes directeurs de l’OCDE et de l’ONU (UNGP), ils trahissent aussi le peuple birman. »