"L’expérience des CETC pose des questions essentielles quant au mode retenu de participation des victimes" explique Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH et avocat de parties civiles dans le dossier n°002 devant les CETC. "Le système de participation par le biais de la constitution de partie civile est-il le meilleur moyen d’assurer une participation réaliste et effective des victimes dans les procès de crimes de masse ? Les CETC se sont-elles données les moyens, dans leur pratique quotidienne, d’en tester toutes les potentialités ? En répondant à ces questions, ce rapport entend apporter sa contribution à la participation effective des victimes devant d’autres juridictions internationales et internationalisées, telles que les Chambres africaines au sein des juridictions sénégalaises chargées de juger les crimes commis sous le régime de Hissène Habré récemment créées" poursuit-il.
Cet exercice de bilan intervient alors que les CETC sont aujourd’hui confrontées au défi que représente la question des réparations en faveur des victimes dans ce premier procès du dossier n°002. "Compte tenu des ambiguïtés et lacunes des décisions en matière de réparation dans le dossier n°001, qui ont suscité une grande déception des parties civiles, les attentes sont encore plus grandes dans le dossier n°002", a déclaré Marie Guiraud, avocate membre du Groupe d’action judiciaire (GAJ) de la FIDH, représentant des parties civiles dans le dossier n°002 devant les CETC, et auteur du rapport. "Près de 4000 parties civiles se sont constituées dans le dossier n°002 mais seulement une partie d’entre elles sont directement concernées par le premier procès, qui se tient actuellement, concernant en particulier les transferts forcés de population. Si les autres procès, concernant d’autres faits, ne sont finalement pas organisés, comme cela était initialement prévu, qu’adviendra-t-il du droit des parties civiles à réparation ?" a-t-elle ajouté.
La FIDH, l’ADHOC et la LICADHO sont également inquiètes de constater que les Co-avocats principaux des parties civiles doivent désormais proposer aux Chambres – avant toute décision sur la culpabilité des accusés - des projets de réparation collective et morale « clés en main », déjà financés et approuvés par le gouvernement cambodgien. "La mise en œuvre effective des mesures de réparation aux victimes repose trop sur les épaules des organisations intermédiaires, qui contribuent déjà considérablement au travail de sensibilisation et de soutien des victimes" a déclaré Thun Saray, président de l’ADHOC.
Nos organisations restent également préoccupées par l’annonce de la création par le gouvernement du Cambodge d’une Fondation pour les victimes (« Victim’s Foundation »), censée coordonner le financement et la mise en œuvre du programme de réparations des CETC développé par la Section d’appui des CETC aux victimes, à compter de 2014, mais dont le mandat et le fonctionnement manquent encore de précision. Compte tenu des interférences politiques constatées dans les dossiers n°003 et n°004, des garanties claires d’indépendance et de transparence devront être données par le gouvernement pour que cette Fondation obtienne le soutien des organisations non gouvernementales. A l’heure où nous parlons ces garanties sont insuffisantes.