L’Unité des victimes doit être pourvue des ressources nécessaires pour remplir effectivement son mandat

19/03/2008
Communiqué
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Une mission de la FIDH s’est rendue à Phnom Penh du 14 au 20 février 2008. Elle a pu évaluer le travail des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) pour juger les Khmers Rouges.

Les CETC permettent pour la première fois dans l’histoire de la justice pénale internationale, la participation aux procès des victimes de crimes, en qualité de « partie civile » [1]. Cette disposition tirée du droit cambodgien leur confère les mêmes droits procéduraux que ceux des autres parties, tels que le droit de participer activement aux audiences, d’être représentées par un avocat, d’interroger les témoins et la défense, et de demander réparation.

Durant sa mission, la FIDH a pu constater que près de 700 victimes avaient manifesté leur volonté de participer aux procédures, soit en déposant plainte auprès des co-Procureurs, c’est-à-dire en envoyant des informations sur des crimes ; soit en exprimant leur volonté de se constituer partie civile auprès des co-juges d’instruction, en intervenant directement comme partie à la procédure.
A ce jour, quatre victimes ont été admises en tant que parties civiles et sont ainsi directement intervenues lors de l’audience du 4 février 2008 concernant la détention de Nuon Chea [2].

L’Unité des victimes, dont la création a été encouragée par la FIDH [3], est opérationnelle depuis novembre 2007. Conformément à la Règle 12 de ce Règlement, l’Unité des victimes soutient notamment les victimes dans le dépôt des plaintes et des constitutions de parties civiles. Elle doit également informer les victimes de leurs droits et les aider à participer en leur fournissant l’assistance juridique nécessaire.

Toutefois, la FIDH est très préoccupée par l’insuffisance des ressources allouées à cette Unité, ce qui risque de l’entraver dans l’accomplissement de ce mandat novateur et unique. Pour combler cette lacune, les organisations de la société civile mènent des activités d’information et d’assistance aux victimes, mais là aussi les ressources – en particulier celles allouées à la représentation légale – sont insuffisantes, et si leur rôle est primordial, elles ne sauraient se substituer au rôle premier de l’Unité des CETC.

La FIDH regrette que le budget supplémentaire proposé par les Chambres extraordinaires pour approbation par les Nations unies ne comporte pas de ressources additionnelles pour l’Unité des victimes, qui manque aujourd’hui cruellement de moyens au regard de l’ampleur et de l’importance de son mandat.

« La tâche de l’Unité des victimes est essentielle pour que la participation des victimes soit effective et contribue au travail d’établissement de la vérité par les Chambres extraordinaires. C’est pourquoi nous appelons la communauté internationale, les Etats donateurs et les Nations unies, à allouer les ressources humaines et financières nécessaires pour que l’Unité puisse informer dûment les victimes de l’ensemble de leurs droits, faciliter leur participation aux procédures et soutenir leur représentation légale, leur permettre de recevoir un soutien psychologique et une protection physique le cas échéant, et leur permettre de demander réparation, tel que le prévoit le Règlement intérieur des Chambres extraordinaires. La communauté internationale doit également apporter aux organisations de la société civile cambodgienne, dont la mobilisation autour des Chambres extraordinaires est exemplaire, le soutien nécessaire afin qu’elles puissent poursuivre leur travail », a conclu Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH.

Rappel :

Après un long processus de négociation entre les Nations unies et le gouvernement cambodgien, les Chambres extraordinaires sont opérationnelles depuis novembre 2005. Leur compétence pour juger les hauts dirigeants Khmers Rouges s’est traduite par la mise en examen et l’arrestation de cinq leaders du régime (Kaing Guek Eav, alias Duch, ancien directeur du centre S21 ; Nuon Chea ancien bras droit de Pol Pot ; Ieng Sary, ancien ministre des affaires étrangères ; Ieng Thirith, ancienne ministre des affaires sociales ; Khieu Samphan, ancien Président du Présidium d’Etat du Cambodge), qui a causé la mort de plus de 3 millions de victimes entre 1975 et 1979.

Les CETC sont des chambres mixtes, composées de juges et fonctionnaires cambodgiens et internationaux. Si cette structure pose des défis dans son fonctionnement, elle pourrait également avoir un impact positif durable sur le système judiciaire cambodgien en renforçant son indépendance et son expertise.

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