Processus ASEM :Les droits de l’Homme doivent être au coeur des débats !

A l’occasion du cinquième Forum des peuples Asie-Europe (ASEM), à Hanoi (Vietnam) du 6 au 9 septembre 2004, la FIDH attire l’attention sur la situation des droits de l’Homme dans un certain nombre d’Etats membres de l’ASEM.

Le Forum des peuples, qui se déroule en amont du Sommet officiel ASEM des 8 et 9 octobre, rassemblera les représentants de la société civile d’Europe et d’Asie afin d’échanger des idées sur les différents obstacles auxquels le processus ASEM fait face et d’émettre des recommandations en vue du Sommet officiel.

Cette note se concentre sur trois thèmes : les préoccupations de sécurité et les droits de l’Homme ; la situation des défenseurs des droits de l’Homme ; et la peine de mort. La situation en Birmanie, dont la participation au Sommet ASEM dépend de l’accomplissement de progrès dans le domaine des droits de l’Homme, est une cause d’inquiétude particulière.

La FIDH condamne le terrorisme et tous actes liés, car ils constituent une sérieuse menace tant pour la démocratie que pour les droits fondamentaux. Cependant, dans plusieurs pays asiatiques et européens, la lutte contre le terrorisme, bien que légitime et nécessaire, entraîne de sérieuses violations des droits de l’Homme. Des législations injustes, discriminatoires et arbitraires sont adoptées ou mises en oeuvre. Les considérations de sécurité l’emportent facilement face à la nécessité de respecter les droits et principes. En outre, une tendance inquiétante est apparue : utiliser des législations prétendument anti-terroristes pour viser les défenseurs des droits de l’Homme et étouffer les voix dissidentes légitimes.

Par conséquent nous appelons les Etats membres de l’ASEM à mentionner formellement dans la déclaration finale suivant le Sommet que la lutte contre le terrorisme ne doit pas être menée en violation du droit international relatif aux droits de l’Homme.

Dans cet environnement de « sécurité avant tout », il est beaucoup plus difficile pour les défenseurs des droits de l’Homme de faire passer un message de paix et de justice. Les positions sont plus radicales, le communautarisme se développe et la répression augmente. La défense du droit à un procès équitable, la présomption d’innocence ou l’interdiction de la torture est considérée par certains Etats comme non pertinente ou secondaire.

Dans bon nombre d’Etats de l’ASEM, les défenseurs des droits de l’Homme sont toujours victimes d’assassinat (Indonésie, Philippines, Thaïlande), arrêtés en raison de la sécurité nationale ou en vertu de législations sur la sûreté de l’Etat (Chine et Vietnam), détenus en isolement (Vietnam) ou poursuivis en justice (Malaisie). De plus, la vie des défenseurs des droits de l’Homme est particulièrement en danger dans les pays secoués par des conflits internes, tels que l’Indonésie ou les Philippines.

Avec l’adoption des Lignes directrices de l’Union européenne sur les défenseurs des droits de l’Homme en juin 2004, l’Union européenne a démontré que la situation des défenseurs des droits de l’Homme est une priorité de sa politique étrangère.

Par conséquent nous appelons les membres de l’ASEM à explicitement réaffirmer l’importance du rôle des défenseurs des droits de l’Homme soit dans la déclaration finale suivant le Sommet.

Dans la grande majorité des Etats asiatiques participant au processus ASEM, la peine de mort est toujours en vigueur. Nous sommes préoccupés par les récentes exécutions dans bon nombre de pays de l’ASEM, malgré l’existence préalable d’un moratoire de fait. Cela a été le cas aux Philippines et en Indonésie. En Chine ou au Vietnam, aucune information n’est disponible concernant le nombre d’exécutions, en flagrante violation des normes internationales.

Le droit international et le Pacte international sur les droits civils et politiques en particulier, recommandent l’abolition de la peine de mort. Le Asia Pacific Forum of National Human Rights Institutions, qui inclut notamment deux Etats de l’ASEM (Indonésie et les Philippines) a fait la même recommandation en 2000. Les Lignes directrices de l’Union européenne sur la peine de mort de 1998 définissent l’abolition de la peine de mort comme un objectif clair de la politique étrangère de l’Union européenne.

Par conséquent nous appelons les Etats membres de l’ASEM à introduire l’objectif de l’abolition de la peine de mort dans la déclaration finale du Sommet d’octobre.

Concernant la Birmanie, le 17 août 2004, le Secrétaire général des Nations unies a clairement déclaré que "la Convention Nationale ne répond pas à l’heure actuelle aux recommandations faites par les résolutions successives de l’Assemblée Générale" et que jusqu’à ce que les opinions de la National League for Democracy et autres partis politiques soient examinées et prises en compte, la Convention nationale et la feuille de route manqueront de crédibilité et ne pourront gagner le soutien de la communauté internationale, y compris des pays de la région.

Comme l’a souligné le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme au Myanmar, un grand nombre de conditions relatives aux droits de l’Homme fondamentaux doivent être remplies afin de commencer un véritable processus de transition politique en Birmanie. En particulier, les prisonniers politiques devraient être relâchés et les partis politiques devraient être libres de se rencontrer avant - et pendant - la Convention afin de débattre de leur position au sein de la Convention. Les délégués à la Convention devraient être librement choisis et représenter toutes les catégories de partis politiques et de minorités ethniques, et devraient refléter proportionnellement les résultats des élections de 1990.

Nous appelons les Etats de l’ASEM d’introduire la question de la Birmanie dans leur déclaration finale, en spécifiant qu’afin que la Birmanie joigne le processus, un certain nombre de conditions maintes fois exprimées par les organes et mécanismes des Nations unies devraient être remplies, notamment la libération des principaux responsables de la NLD (Aung San Suu Kyi et U Tin Oo) ainsi que des responsables de la Shan Nationalities League for Democracy, le second parti d’opposition.

Cette année, le Vietnam accueillera le Forum des peuples de l’ASEM et le Sommet officiel. Le Vietnam Union of Friendship Organisations est chargé de l’organisation du Forum des peuples du côté vietnamien. Cette organisation est un organe gouvernemental. La FIDH exprime ses regrets que cette réunion de la société civile ait lieu dans un pays où la société civile est fortement restreinte et où les libertés d’expression, d’opinion, d’association et d’information sont massivement limitées, et entravent ainsi le développement d’ONG indépendantes.

Nous appelons le Forum des peuples de l’ASEM ainsi que le Sommet ASEM de répéter nos inquiétudes dans leurs déclarations finales respectives.

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