Elsa Tita Lubi, présidente de Karapatan, Cristana Palabay, secrétaire générale de Karapatan, Roneo Clamor, secrétaire général adjoint, Gabriela Krista Dalena, trésorier de Karapatan, Edita Burgos, Wilfredo Ruazol et Jose Mari Callueng, membres du Conseil national de Karapatan, Gertrudes Ranjo Libang, présidente de Gabriela, Joan May Salvador, secrétaire général de Gabriela, et Sœur Elenita Belardo, membre du RMP, sont jugé·es par l’antenne 37 du Tribunal métropolitain de Quezon City sur des accusations malveillantes et forgées de toutes pièces de « parjure » en représailles de leurs actions visant à obtenir une protection juridique pour les défenseur·es des droits humains. Le verdict sera rendu dans la semaine du 2 janvier 2023. En cas de condamnation, ces défenseur·es risquent de 4 mois à plus de 2 ans d’incarcération.
Le 6 mai 2019, en raison de l’augmentation inquiétante de la violence à l’égard des défenseur·es des droits humains aux Philippines, les défenseur·es sumentionné·es de Karapatan, de Gabriela et du RMP ont déposé un recours devant la Cour suprême afin d’obtenir une protection en amparo et un habeas data (accès à l’information) contre les menaces, les agressions et le harcèlement de la part des représentants du gouvernement. Mais la Cour d’appel des Philippines a rejeté leur requête en juin 2019.
À la suite de ce rejet, les autorités ont rétorqué par des mesures de représailles à l’égard des dix défenseur·es des droits humains. Le 2 juillet 2019, le Général Hermogenes Esperon, alors conseiller à la sécurité nationale, qui était nommé dans le recours, a déposé une plainte alléguant que les dix défenseur·es avaient commis un « parjure » en déclarant que le RMP était une organisation non gouvernementale enregistrée auprès de la Securities and Exchange Commission dans la requête déposée devant la Cour suprême. Alors que la plainte pour parjure avait été initialement rejetée « faute de cause probable et/ou insuffisance de preuves », en février 2020, le procureur de Quezon City a soutenu une motion de réexamen déposée par le conseiller à la sécurité nationale et a trouvé une cause probable pour accuser les dix défenseur·es des droits humains de « parjure ». Les accusations portées à l’encontre des dix défenseur·es des droits humains ont été largement condamnées par les organisations de la société civile régionales et internationales, ainsi que par la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains.
Depuis que les accusations de « parjure » ont été portées, le ministère de la Justice a inculpé au moins 16 personnes, dont des religieuses, liées aux RMP pour financement du terrorisme dans en vertu de la section 8 (ii) de la loi de la République 10168 ou loi sur le financement du terrorisme.
Aux Philippines, les défenseur·es des droits humains sont toujours la cible d’agressions, d’assassinats, de harcèlement judiciaire, de détention arbitraire et de campagnes de stigmatisation de la part d’agents de l’État, de mandataires, de partisan·es et de facilitateur·rices. Depuis juin 2016, date de l’arrivée au pouvoir du président Duterte, le climat d’impunité dont jouissent les auteur·es d’agressions visant des défenseur·es des droits humains s’est aggravé. Les meurtres des défenseur·es des droits humains ont rarement fait l’objet d’enquêtes, ce qui rend encore plus vulnérables celles et ceux qui continuent à rester actif·ves, en sapant la confiance de la communauté des droits humains dans le système judiciaire. En outre, la loi antiterroriste qui a été adoptée en 2020 contribue à aggraver la situation précaire des défenseur·es des droits en officialisant juridiquement la pratique de l’« étiquetage rouge » des défenseur·es avec une définition du terrorisme beaucoup trop vague. La gravité de la situation des droits humains aux Philippines, y compris les attaques permanentes contre les défenseur·es des droits humains, a engendré une profonde inquiétude de la part duHaut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en juin 2020, et plus récemment de plusieurs membres du Parlement européen. De même, en avril 2020, neuf expert·es des droits humains des Nations unies ont exprimé leur inquiétude concernant les assassinats, les menaces, les détentions et les poursuites pénales contre des défenseur·es des droits humains aux Philippines. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et les expert·es des droits humains des Nations unies ont tous deux recommandé l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur les violations des droits humains aux Philippines.
Nous demandons au nouveau président des Philippines, Ferdinand Marcos Jr., de prendre ses distances avec l’administration précédente et de s’engager fermement à respecter le droit de défendre les droits humains. Le président Marcos Jr. doit cesser les menaces et les agressions contre les défenseur·es des droits et assurer la protection de leurs droits, notamment le droit à la vie, à une procédure régulière, à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique. Nous demandons instamment aux autorités de mettre fin immédiatement au harcèlement judiciaire contre Elisa Tita Lubi Cristina Palabay, Roneo Clamor, Gabriela Krista Dalena, Edita Burgos, Wilfredo Ruazol, Jose Mari Callueng, Gertrudes Ranjo Libang, Joan May Salvador et Sœur Elenita Belardo. De même, nous demandons aux autorités d’abroger la loi antiterroriste et d’adopter le projet de loi sur la protection des défenseur·es des droits humains.
Le travail, le courage et l’engagement de ces défenseur·es des droits humains nous animent et nous restons pleinement solidaires avec ces dernier·es.