Dans la ville de La Haye, aux Pays-Bas, siège de la Cour pénale internationale (CPI), Lucy Diaz, coordinatrice du collectif Solecito, une coalition composée de proches de personnes disparues à Veracruz, a présenté une version publique du rapport « Hasta encontrarlos : les disparitions forcées par les forces de sécurité à Veracruz constituent des crimes contre l’humanité ». Une version confidentielle du rapport a déjà été présentée au Bureau du Procureur de la CPI.
Le rapport a été élaboré par la FIDH, avec l’une de ses organisations membres mexicaines, Litigio Estratégico en Derechos Humanos AC (Idheas) et le collectif Solecito. Il rend compte du contexte de violence, de criminalité et de corruption qui a prévalu dans l’État de Veracruz pendant le mandat de l’ancien gouverneur Javier Duarte de Ochoa (décembre 2010 - octobre 2016). Durant cette période, les autorités municipales, étatiques et fédérales ont été complices ou ont directement collaboré à la commission de disparitions forcées.
Le document de 56 pages présente principalement les résultats des enquêtes menées par les organisations signataires sur 41 cas de disparition de personnes survenus dans l’État de Veracruz. Dans au moins 22 cas, des éléments et des modèles communs impliquant la participation d’acteurs étatiques ont été trouvés. De même, le rapport documente la découverte des plus grandes tombes clandestines d’Amérique latine, aujourd’hui connues sous les noms de Colinas de Santa Fe et El Arbolillo, toutes deux situées près du port de Veracruz, où 615 corps ont été localisés entre 2016 et septembre 2022. Parmi les cas documentés dans le rapport, les corps de sept victimes ont été retrouvés dans la fosse clandestine Colinas de Santa Fe. Malgré la mise au jour de ces preuves significatives, le rapport décrit l’omission et la négligence profondes de la part des autorités de l’État en matière d’enquête et de poursuite des cas de disparition forcée.
« À Veracruz, la complicité entre les autorités et le crime organisé, en plus de l’impunité absolue qui règne au Mexique, a entraîné la perte de milliers de vies, notamment de jeunes. Notre État s’est transformé en un immense cimetière clandestin, où personne n’est responsable de tous ces décès. »
Analysant les preuves trouvées, le rapport établit que nombre de ces actes commis sous l’administration de l’ancien gouverneur Duarte de Ochoa constituent des crimes contre l’humanité, et demande au Bureau du Procureur de la CPI d’ouvrir un examen préliminaire.
« L’analyse contextuelle des cas, ainsi que les preuves recueillies au cours des enquêtes, nous permettent d’affirmer que pendant la période couverte par le rapport, il y a eu un usage systématique de la violence par les agent·es de l’État contre un secteur spécifique de la population de l’État de Veracruz. »
En particulier, ces attaques ont été perpétrées contre des personnes vivant dans des zones économiquement marginalisées qui, en raison de leur situation de vulnérabilité, étaient la cible de groupes criminels organisés. Ces institutions ont mené des opérations qui ont entraîné de graves violations des droits humains qui restent à ce jour impunies, en raison de la collaboration et de la complicité de l’ensemble de l’appareil gouvernemental.
« Ce rapport est une nouvelle preuve de l’existence de crimes contre l’humanité au Mexique, commis par le crime organisé, les autorités étatiques ou les deux agissant de concert. Il est scandaleux qu’à Veracruz les disparitions forcées continuent d’avoir lieu. »
Le niveau d’impunité est encore très élevé à Veracruz, malgré la découverte dans cet État des deux plus grandes fosses communes d’Amérique latine. Aujourd’hui, nous demandons aux autorités fédérales mexicaines de reconnaître l’existence de crimes contre l’humanité et d’enquêter sur ces crimes, et nous exhortons la Cour pénale internationale à ouvrir un examen préliminaire.
Lire le rapport ici (disponible en anglais) :