une situation désespérée

14/09/2000
Communiqué
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Que faut-il pour que le Président colombien entende les appels de la société civile pour la justice et la paix en Colombie ? Que faut-il pour qu’Andrés Pastrana comprenne que le " Plan Colombia " ne fait qu’aggraver le conflit social, multiplier les violations des droits humains et du droit humanitaire, et entraîner la guerre ?

Déjà, les effets du Plan se font ressentir. Ces derniers mois, la violence n’a fait que s’aggraver. La conjoncture dans le Magadalena Medio s’apparente à une situation de guerre civile ouverte : les groupes paramilitaires s’acharnent à conquérir d’importants territoires en s’attaquant à la population civile, provoquant le déplacement forcé de centaines de personnes, et ce avec le soutien tacite des autorités. Les confrontations militaires entre la guérilla et les forces armées s’intensifient. Les prétendues " bavures " de l’armée sont de plus en plus flagrantes : l’assassinat, le 15 août dernier, de six enfants " soupçonnés " d’être des guérilleros à Pueblo Rico est intolérable.

De fait, les défenseurs des droits de l’Homme et l’ensemble des personnes qui luttent en faveur de la justice sociale et de la paix, se retrouvent en première ligne du conflit. Depuis le mois de juillet, deux défenseurs des droits de l’Homme ont été assassinés, trois autres ont disparu, plusieurs ont été menacés de mort, et ce malgré les multiples engagements pris par les autorités colombiennes au niveau national et auprès de la communauté internationale, pour assurer leur protection.

Le 7 septembre dernier, le Collectif d’Avocats José Alvear Restrepo a ainsi décidé de remettre au ministère de l’Intérieur le matériel de protection qu’il avait reçu du Comité d’évaluation des risques, créé en 1995 au sein du ministère, comprenant des portes blindées, des radios avantel et des gilets pare-balles, décision symbolique, significative de l’échec des autorités gouvernementales à protéger les défenseurs des droits de l’Homme

Les membres du Collectif estiment en effet que ces mesures de protection sont insuffisantes au regard de la gravité de la situation et ne constituent en aucun cas une solution à l’état d’insécurité auquel ils sont confrontés, servant plutôt de prétexte aux autorités qui évitent ainsi de s’attaquer aux causes profondes du problème.

L’Observatoire constate en effet qu’en dépit de l’ensemble des recommandations émises par les organes internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, les autorités colombiennes n’offrent aucune solution politique et structurelle de fond, capable de garantir l’action des défenseurs et combattre l’impunité dont bénéficient les auteurs d’exactions commises à leur encontre.

Ainsi, aucune mesure n’a été prise par les autorités, afin d’enrayer les activités meurtrières des groupes paramilitaires, premiers responsables des crimes commis contre les défenseurs. Les poursuites pénales menées par les défenseurs contre les groupes paramilitaires, se heurtent presque systématiquement à des obstacles de tout ordre y compris certains posés par le Ministère public.

En outre, bien que les autorités colombiennes ont annoncé qu’elles avaient pour priorité de veiller à ce que les responsables des violations de droits de l’Homme soient traduits en justice, rares sont les enquêtes suivies de poursuites judiciaires effectives et de la condamnation des coupables, surtout lorsque les victimes sont des défenseurs des droits humains.

Enfin, alors que les autorités s’étaient engagées, en 1998, à réviser les archives des services secrets, afin de supprimer les informations erronées associant les défenseurs des droits de l’Homme à des guérilleros, aucune action n’a été entreprise en ce sens. Du moins, aucun défenseur n’a jusqu’à présent eu accès a ces informations qui ont déjà incité plusieurs officiers militaires à discréditer le travail des défenseurs, voire à les éliminer physiquement.

Il reste que le seul engagement effectivement tenu à partir de 1999, bien que partiellement, concerne l’attribution à certains défenseurs de quelques mesures de protection matérielle (telles que des gilets pare-balles, des radios de communications, des véhicules et des portes blindées), fournies par le Comité d’évaluation des risques. Mais on l’a vu, ces mesures ne constituent nullement une protection suffisante et efficace des défenseurs et en aucun cas une solution à long terme.

Face à cette situation intolérable, l’Observatoire rappelle que ces faits s’inscrivent en grave violation de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et notamment de son article 12.2, selon lequel " l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les autorités compétentes protègent toute personne, tant individuellement qu’en association avec d’autres, contre toute violence, menace, action de représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente déclaration ".

L’Observatoire appelle ainsi le gouvernement colombien à respecter ses engagements et ses obligations internationales ; à mettre en oeuvre les mesures nécessaires, afin de garantir la vie et l’intégrité physique des défenseurs des droits de l’Homme ; à démanteler les groupes paramilitaires ; et à poursuivre pénalement et sanctionner de manière effective tous les responsables des violations des droits de l’Homme.

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