Si les parlementaires décidaient d’approuver la proposition du président de modifier, voire de classer (saborder) la loi statutaire de la JEP, cette position retarderait de deux ans la mise en œuvre de l’Accord de paix du fait des poursuites engagées pour mauvaise foi, et ferait fi également de la décision du Tribunal constitutionnel suprême qui avait déjà répondu aux objections du président.
« Les objections du président Duque mettent gravement en péril l’avenir de la Juridiction spéciale pour la paix, en retardant et en entravant son travail qui vise à obtenir plus de vérité et de justice pour les victimes ».
La loi statutaire, approuvée à la fin de 2017 par le Congrès, n’est pas encore entrée en vigueur en raison du refus du président Iván Duque de la ratifier. L’ancien président Juan Manuel Santos en sa qualité de chef d’État avait proposé ladite législation au cours de la procédure législative ultra rapide destinée à conclure l’Accord de paix et à inscrire dans la loi la garantie du droit à la paix celle-ci consistant à obliger tous les organes de l’État à appliquer ledit accord en toute bonne foi dans le cadre de la politique d’État durant trois mandats présidentiels.
Toutefois, Iván Duque a fait preuve de mauvaise foi : d’une part lorsqu’il a décidé de s’opposer à cette loi proposée par l’ancien chef de l’État, comme si la négociation de la paix était une histoire de stratégie politique et d’autre part, lorsqu’il a avancé des objections présentées comme relevant d’un motif politique alors qu’elle sont en réalité d’ordre juridique et qui vont à l’encontre de la décision du Tribunal constitutionnel ayant déjà validé la loi statutaire de la JEP.
À titre d’exemple, Iván Duque s’est opposé à l’article 19 de la loi statutaire de la JEP, dans le but d’empêcher les poursuites à l’encontre des principaux responsables. D’une part, cette position montre qu’il ne reconnaît pas la décision de la Cour constitutionnelle, qui a expressément approuvé la capacité de la JEP à optimiser l’enquête à l’encontre des principaux responsables des faits les plus graves et représentatifs. Si tel n’est pas le cas, il faudra du temps et des ressources pour que la Juridiction puisse juger tous les crimes indépendamment des auteurs qui y ont participé et de leur gravité.
D’autre part, cette opposition n’encouragerait pas à rechercher la vérité sur la culpabilité des plus hauts responsables, car elle empêcherait d’appliquer l’abandon conditionnel des poursuites pénales en cas de vérité absolue.
Si ces objections devaient aboutir, la Cour pénale internationale devra les considérer comme une preuve du manque de volonté de l’État colombien pour juger les plus hauts responsables des crimes relevant de sa compétence.
La JEP a été mise en place le 15 janvier 2018 dans le cadre de la Réforme constitutionnelle (acte législatif 01 de 2017) qui a défini le cadre réglementaire général et a ordonné sa mise en application sans qu’il soit nécessaire d’instaurer d’autre modalité d’application. De fait, cette Juridiction a déjà reçu des demandes de 2 585 membres des forces de l’ordre et de 6 094 ex-guérilleros qui ont exprimé leur volonté de d’avoir recours à ladite juridiction pour rétablir les droits des victimes.