Cinq ONG victimes de l’ex-service de renseignement DAS à Bruxelles demandent également que la justice colombienne collabore avec la justice belge.
Bruxelles, Paris- 30 avril 2015. La FIDH, le CNCD-11.11.11, Broederlijk Delen, Oxfam Solidarité, OIDHACO expriment leur satisfaction quant à la condamnation de María del Pilar Hurtado, ex-Directrice du Département administratif de sécurité (DAS) et de Bernardo Moreno, ex- Secrétaire général de la Présidence de la République, à des peines respectives de 14 annés de prison et 8 années de détention domiciliaire, notifiées en audience ce jour par la Cour suprême de Justice colombienne.
“Cette condamnation exemplaire de deux hauts fonctionnaires colombiens confirme le système d’espionnage, de persécution, de harcèlement et de menace contre les opposants, magistrats, journalistes et défenseurs de droits humains, conçu et structuré depuis les plus hautes instances du Gouvernement de l’ex-Président Alvaro Uribe Vélez.”, précisent les organisations. “Nous allons continuer à nous battre pour que la vérité soit faîte sur les actions délictueuses commises par le DAS en Colombie, mais aussi en Belgique et en Europe, et afin que tous les responsables impliqués dans cette affaire soient jugés et condamnés », ont-elles rajouté .
La sentence établit qu’il ne s’agissait pas de « brebis égarés », comme cela a été soutenu pendant plusieurs années, mais que chaque action a obéi à un système structuré et orchestré depuis la présidence de la République. L’ex-directeur du service de renseignement du DAS, Fernando Tabares, premier condamné par la justice colombienne en 2010 à 8 années de prison pour ces mêmes actions, a déclaré lui-même : « l’information était transmise à la directrice du DAS avec pour destination finale la « Casa de Nariño » (la Présidence) »,
Ce système délictueux n’a pas uniquement affecté la Colombie. Depuis 2011, lors du procès au pénal qui a conduit à la condamnation de M.Germán Villalba Chávez, ex-Sous-directeur des ressources humaines du DAS, celui-ci a avoué qu’il existait un réseau d’espionnage en Europe ayant pour objectif de suivre à la trace des défenseurs des droits humains et des ONG. Nos cinq organisations font partie du groupe de victimes des activités d’espionnage et de suivi effectué par le DAS en Belgique-, où une procédure pénale est en cours. Lors de cette procédure, en 2011, une commission rogatoire a été sollicitée au ministère Public colombien, laquelle n’a toujours pas été mise en œuvre. “Nous attendons de la justice colombienne qu’elle collabore avec la justice belge et qu’elle permette la réalisation de cette commission rogatoire. Cela témoignerait de la volonté de l’État colombien de lutter contre l’impunité. », ont déclaré les organisations.
Pour rappel, en 2009 éclatait le « scandale du DAS » où celui-ci était accusé d’avoir mis sur pied une opération de grande envergure visant à espionner et à neutraliser les adversaires de l’ex-président Uribe (toujours sénateur), sans autorisation judiciaire. Lors de son enquête, la justice colombienne a découvert des documents internes révélant que le DAS menait aussi des activités sur le territoire européen : l’OPERATION EUROPA, dont le but était de discréditer et d’entraver l’action "du système juridique européen, de la Sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen et duBureau de la Haute-commissaire aux Droits de l’Homme des Nations-Unies", mais également de diverses organisations, ONG et particuliers, dont les cinq organisations signataires. Celles-ci ont donc déposé une plainte à Bruxelles en 2010 pour écoutes téléphoniques, interceptions de courriers, cambriolage dans le but de soustraire des fichiers informatiques, et pour menaces. La procédure est toujours en cours, mais nul doute que la condamnation de Mme María del Pilar Hurtado, et de M. Bernardo Moreno contribuera à l’établissement de la vérité et à la lutte contre l’impunité.