Les ONG colombiennes assimilées à des terroristes !

La FIDH et l’OMCT, dans le cadre de leur programme conjoint pour la protection des Défenseurs des Droits de l’Homme protestent énergiquement contre des propos tenus par le président de la République de Colombie, le 8 septembre, assimilant les ONG de défense des droits de l’Homme à des groupes terroristes. Ces propos visent très clairement à discréditer le travail des défenseurs des droits de l’Homme.

En effet, dans un discours prononcé, pendant la semaine des droits de l’Homme, à l’occasion de la prise de fonction du nouveau commandant des forces aériennes, Alvaro Uribe divise de manière pernicieuse les ONG de défense de droit de l’Homme en trois catégories. D’une part, les « ONG théoriques » et d’autre part les ONG dites « respectables » qui doivent être protégés par l’Etat. Le troisième groupe est présenté comme suit : les ONG des « écrivains et politicards qui finalement sont au service du terrorisme et qui se cachent comme des lâches derrière le drapeau des droits de l’homme » et qui ne devraient donc pas recevoir la protection de l’Etat.

Il poursuit : « Chaque fois que les terroristes commencent à se sentir faibles, immédiatement ils envoient leurs représentants pour qu’ils parlent de droits de l’Homme. Ils n’ont ni honte, ni limites. Ils sortent des livres en Europe sur des rumeurs et sur des calomnies. Ils savent que leur seule arme est la calomnie et ils se cachent hypocritement derrière les droits de l’Homme. » « Il faut que ces messieurs sachent [notre] détermination de vaincre le terrorisme et ses partisans, qu’une de nos décisions politiques et d’isoler le terrorisme et que pour ce faire nous allons capturer tous ceux qui commettent ces délits par complicité ou par aveuglement » « Lorsque j’ai commencé la tâche de combattre le terrorisme comme gouverneur de ma province, [...] sont apparus des collectifs et des avocats, ces porte-parole du terrorisme sont apparus sous ce nom et sous d’autres. Ils n’attaquent pas les terroristes mais ils attaquent la volonté du gouvernement départemental de les vaincre. ».

La FIDH et l’OMCT dénoncent la scandaleuse démarche d’Alvaro Uribe et le danger que constituent de tels amalgames. Dans le contexte actuel, ces propos équivalent à un appel à la violence. Ce discours intervient alors que le président est l’objet de critiques sur sa première année de mandat formulées à la fois par les 80 ONG colombiennes de « la plataforma colombiana democracia y desarollo » dans un livre (el embrujo autoritario) lancé le 8 septembre, mais aussi par un rapport du PNUD. Il semble donc que le président considère que ces 80 ONG font partie de son troisième groupe(« écrivains et politicards qui finalement sont au service du terrorisme et qui se cachent comme des lâches derrière le drapeau des droits de l’homme ») et qu’elles sont les porte-parole des terroristes. Cette réaction va à l’encontre de la liberté d’expression et participe d’un refus des autorités colombiennes d’entendre toute voix divergente.

Ces propos de dénigrement du travail des défenseurs de droit de l’Homme s’inscrivent dans une démarche plus large, où au nom de la lutte contre le terrorisme, les pouvoirs publics s’affranchissent du respect des droits de l’Homme. Le 8 septembre la plus haute autorité de l’Etat a franchi un nouveau pas vers l’arbitraire en assimilant les défenseurs de droits de l’Homme à des terroristes. Alvaro Uribe conclut son discours en incitant le nouveau commandant des forces aériennes à passer outre le respect des droits de l’Homme pour vaincre le terrorisme : « General Lesmez vous assumez le commandement des forces aériennes pour vaincre le terrorisme. Que les trafiquants des droits de l’Hommes ne vous arrêtent pas, ne vous trompent pas, que toutes les forces aériennes prêtent à cette grande nation le service de nous aider à nous libérer de ce cauchemar ».

La FIDH et l’OMCT n’ignorent pas la situation dramatique dans laquelle se trouve la population colombienne. Elles réitèrent leur condamnation des crimes perpétrés par la guérilla et par les paramilitaires et reconnaîssent la nécessité de lutter contre ce terrorisme. Cependant cette lutte doit s’effectuer dans le strict respect des règles d’un Etat de droit. Or les propos tenus par le président de la Colombie sont en totale contradiction avec ces mêmes principes et sont d’une extrême gravité.

La FIDH et l’OMCT exhortent le gouvernement colombien à revenir publiquement sur un discours qui constitue une grave menace pour l’Etat de droit. Il revient en effet à l’Etat de protéger tous les défenseurs des droits de l’Homme comme l’ensemble de ces concitoyens. Cette obligation à l’égard de toux ceux qui s’engagent à promouvoir et à défendre les libertés fondamentales est consacrée par l’article 12(2) de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée le 9 décembre 1998.

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