LE PLAN COLOMBIE : UN SIMULACRE DE PAIX

15/06/2000
Communiqué

Les Etats membres de l’Union Européenne se réuniront ce 19 juin à Londres, et début juillet à Madrid avec les Etats-Unis, le Japon, le Canada, la Norvège et la suisse afin de décider quel soutien apporter au plan Colombie et qui vise prétendument au rétablissement de la paix dans ce pays.

La FIDH considère que ce plan comporte des faiblesses et des incohérences qui risquent de vouer à l’échec les efforts en faveur de la paix. Par ailleurs, différentes versions de ce plan ont été présentées aux divers donateurs, ce qui ne peut que prêter à confusion.

La paix est un préalable à toute possibilité de développement à long terme ; elle doit donc constituer l’objectif premier de tout plan d’aide à la Colombie. Elle suppose la poursuite des négociations entre le gouvernement et les différentes guérillas, ainsi que la participation des secteurs non-armés de la société à ces négociations. Le plan Colombie n’aura de résultats concrets et durables que si les acteurs du conflit et le population colombienne le soutiennent.

Afin de parvenir à une paix durable, la FIDH appelle à ce qu’une série de conditions soient remplies avant que l’UE ne décide de financer ce programme :

1. La participation effective de la population colombienne à l’élaboration et à la mise en œuvre de ce plan. Les mouvements sociaux de base doivent être correctement informés par le gouvernement Colombien des enjeux du plan Colombie ; les acteurs indépendants issus de la société civile doivent bénéficier directement d’une partie des fonds alloués par ce programme.
2. L’UE doit s’abstenir de financer tout aspect militaire du plan Colombie. Celui-ci prévoit en effet l’élimination de la guérilla par les armes - assimilant malencontreusement lutte contre les guérilleros et contre le trafic de drogue. La militarisation à outrance du pays ne peut qu’engendrer un accroissement des violations des droits de l’Homme.
3. Des alternatives sérieuses doivent être considérées en matière de lutte contre le trafic de drogue. Le fléau de la drogue est une conséquence des inégalités sociales et de l’extrême pauvreté qui prévalent en Colombie. Une place plus importante doit être accordée aux mesures de promotion de cultures et de création d’emplois alternatifs, alors que le plan met principalement l’accent sur la répression. La FIDH est convaincue que la meilleure façon de lutter contre le trafic est de procéder à une réforme agraire, respectueuse des équilibres écologiques et des droits des peuples indigènes.

4. Une politique économique de développement durable et de lutte contre la pauvreté doit être poursuivie, dans le respect des engagements internationaux de la Colombie en matière de droits économiques et sociaux. La paix ne passe en effet pas seulement par l’élimination du conflit armé. C’est seulement en éliminant les causes à l’origine du conflit - essentiellement d’ordre économiques et sociales - qu’une paix durable pourra être construite. Le financement de la part du Plan qui incombe à la Colombie devrait être réalisé par des procédés n’aggravant pas la dette et garantissant plus de justice sociale.
5. La logique de guerre et la stratégie paramilitaire doivent être contrées ; les engagements internationaux en matière de droits de l’Homme pleinement respectés. Afin de garantir la paix, l’Etats Colombien doit prendre des mesures concrètes en faveur de la sécurité des dirigeants des mouvements sociaux, des défenseurs des droits de l’Homme et des opposants politiques. Il doit lutter contre l’impunité ambiante et mettre en œuvre une véritable stratégie pour enquêter sur le soutien apporté par les militaires ou des agents ds forces de sécurité aux groupes paramilitaires.

En adoptant en juin de l’année dernière la Déclaration et le plan d’action à l’issue du Sommet de Rio, les Etats membres de l’UE et les Etats d’Amérique latine se sont engagés à promouvoir l’Etat de droit et le respect des droits et libertés - dont ceux des groupes les plus vulnérables -, à mettre en œuvre des stratégie de développement durables, et à privilégier la réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale .

La FIDh appelle l’Union Européenne et les Etats membres à garder à l’esprit ces principes fondamentaux inclus dans la Déclaration de Rio lors de leurs discussions sur le soutien à apporter à un plan pour la paix en Colombie.

La FIDH appelle l’Union Européenne à prendre dûment en compte les réserves exprimées par la société civile colombienne et les organisations non-gouvernementales européennes et internationales par rapport à la version actuelle du plan Colombie.

La FIDH attend de l’Union Européenne qu’elle appuie une solution politique du conflit.

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