L’Argentine en état de détresse : Retour d’une mission internationale d’enquête

13/03/2002
Communiqué

La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme et Droits et Démocratie, organisation canadienne, ont effectué une mission internationale d’enquête en Argentine entre le 1er et le 11 mars 2002, ayant en particulier pour objet les conséquences des violations des droits économiques et sociaux au plan des droits civils et politiques. L’Argentine est actuellement confrontée à l’une des crises les plus graves de son histoire, tant au niveau politique et économique que social.

La mission a constaté une dégradation particulièrement inquiétante et accélérée de la situation économique et sociale. Celle-ci est une conséquence de la violation flagrante par le gouvernement argentin des obligations lui incombant en vertu du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié en 1986 par l’Argentine.

Cette dégradation affecte non seulement les couches sociales les plus pauvres de la population argentine mais également les classes moyennes. Selon le gouvernement argentin lui-même, actuellement sur une population de 37 millions d’habitants, 15.150.000 argentins vivent en dessous du seuil de pauvreté avec une projection, en mai 2002, atteignant 17.167.000 habitants dont 6.250.000 relevant de l’extrême pauvreté. L’appareil de production est quasi paralysé ainsi que l’activité commerciale. L’Etat argentin, qui ne recouvre plus que 50% des impôts et des dettes, est en état de cessation de paiement.

Cette situation génère un mécontentement et une revendication sociale généralisés, s’exprimant sous forme de grèves, d’occupations d’usines, de manifestations, piquets de grèves et barrages des voies de communication ("piqueteros ; cortas de rutas")
La quasi totalité de la population argentine exprime actuellement son désaveu et sa perte de confiance à l’égard de l’ensemble des Institutions de l’Argentine, tant au niveau de la représentation politique, syndicale que judiciaire. (90% des argentins exigent la destitution de la Cour Suprême argentine).

La FIDH et Droits et Démocratie expriment leur extrême préoccupation au regard de la réponse des autorités politiques argentines, face à la détresse économique et sociale manifestée par la population, consistant à judiciariser et à criminaliser le mouvement social par la multiplication de poursuites pénales à l’encontre des dirigeants sociaux et des représentants de la base syndicale (plus de 3000 procédures pénales en cours actuellement). Cette politique s’inscrit en contradiction flagrante avec les obligations du gouvernement argentin en vertu du Pacte international relatif aux Droits Civils et Politiques ratifié par l’Argentine en 1986. La situation actuelle est d’autant plus inquiétante que se développe un climat de violence consécutif à l’usage de la force et des armes par les policiers, la gendarmerie et par des groupes civils armés, directement liés à des secteurs du gouvernement argentin et à certains partis politiques traditionnels.

La FIDH et Droits et Démocratie considèrent en conséquence que la situation actuelle fragilise la démocratie argentine et caractérise une situation de totale incertitude de l’avenir immédiat de l’Argentine pouvant engendrer soit une refondation de la démocratie, soit une solution autoritaire grave.

Dès lors, la FIDH et Droits et Démocratie appellent les autorités de ce pays à prendre les mesures qui s’imposent d’urgence pour redresser la situation économique, résorber le déficit démocratique et restaurer la confiance de la population dans les institutions nationales, confiance indispensable à la préservation de la paix civile et sociale. La FIDH et Droits et Démocratie appellent les institutions internationales concernées à faire preuve de la plus extrême diligence afin d’apporter au peuple argentin les réponses et les moyens que requiert d’urgence l’état de détresse dans lequel se trouve plongé leur pays.

- le rapport préliminaire de la mission rendu publique lors d’une Conférence de presse de fin de mission à Buenos Aires le 9 mars 2002.

Le rapport final est en préparation.

Contacts média :
FIDH : Bureau presse de la FIDH : 01 43 55 25 18 / Claude KATZ, secrétaire général de la FIDH : 06 08 28 08 64

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