Zimbabwe : le président Mnangagwa doit rejeter le projet de loi modifiant la loi sur les organisations bénévoles privées, qui restreint la liberté d’association

02/03/2023
Déclaration
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Paris, Genève, 2 mars 2023. Au début du mois de février, le Parlement du Zimbabwe a adopté la loi sur les Organisations Volontaires Privées (Private Voluntary Organisation – POV) (H.B. 10, 2021). La promulgation de ce projet de loi étant désormais entre les mains du Président du Zimbabwe, l’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits de humains (FIDH-OMCT) lui demande instamment de s’abstenir de signer ce projet de loi, car sa mise en œuvre porterait gravement atteinte à la liberté d’association et d’expression dans le pays.

Le 1er février 2023, le Sénat du Zimbabwe a adopté le projet de loi sur les OVP. Le projet de loi n’attend plus que la signature du président du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, pour être promulguée. Bien que l’objectif officiel du projet de loi sur les OVP soit prétendument de lutter contre le blanchiment d’argent et le terrorisme, les organisations de la société civile ainsi que le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’association et de réunion pacifique ont alerté sur les violations des droits fondamentaux et le contrôle injustifiable sur les groupes de la société civile qu’impliquent le texte. Dans un rapport spécial publié en janvier 2022, l’association Zimbabwe Human Rights (ZimRights) a averti que le projet de loi sur les organisations volontaires était une attaque contre la citoyenneté active, car il sapait l’engagement des citoyen·nes.

S’il était adopté, le projet de loi sur les organisations volontaires privées conférerait au bureau d’enregistrement des organisations de la société civile, qui est sous le contrôle du pouvoir exécutif, des pouvoirs étendus et discrétionnaires pour s’immiscer dans la gouvernance et les activités des organisations de la société civile. Les ONG seront tenues de s’enregistrer auprès du bureau du greffier, qui aura le pouvoir d’examiner, d’accorder ou de refuser l’enregistrement des organisations, avec peu ou pas de recours judiciaire ou administratif contre de telles décisions. Si elles ne satisfont pas aux nouvelles exigences, de nombreuses ONG qui opèrent actuellement dans la légalité ne pourront pas poursuivre leurs activités dans le cadre de cette nouvelle loi . Le greffier aura le pouvoir de désigner toute OVP comme étant « à haut risque » ou « vulnérable » aux abus terroristes, à la suite d’une évaluation des risques non transparente. Cela lui permettrait de révoquer leur enregistrement ou même de remplacer leurs dirigeant·es. En outre, le nouveau projet de loi prévoit des sanctions sévères, allant de lourdes amendes à des peines d’emprisonnement, pour les infractions administratives liées à l’enregistrement des ONG. Surtout, le projet de loi contient des dispositions permettant d’interdire aux organisations de la société civile de « s’engager dans des activités politiques », un concept large et vague qui pourrait potentiellement inclure des activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire rappelle que le projet de loi sur les OVP a été fortement contesté par les organisations de la société civile et que le processus d’adoption du texte est entaché de violations des droits humains, notamment d’actes d’intimidation à l’encontre des défenseur·es des droits humains qui s’y opposent. La communauté internationale a également exprimé ses critiques à l’égard du projet de loi, les expert·es des droits humains des Nations unies ayant récemment fait part de leurs inquiétudes quant à l’adoption imminente du texte, déclarant que « les restrictions qu’il contient [le projet de loi] auront un effet paralysant sur les organisations de la société civile – en particulier sur les voix dissidentes. En adoptant cette législation, les autorités fermeraient effectivement un espace civique déjà réduit ».

L’Observatoire s’inquiète de l’impact désastreux que cet amendement aura sur l’espace civique et la liberté d’association dans le pays s’il est adopté. L’Observatoire est également préoccupé par le fait que ce projet de loi soit discuté et adopté à l’approche des élections générales de 2023 au Zimbabwe, et qu’il aura pour effet de museler la société civile indépendante, qui joue un rôle crucial dans la garantie d’élections participatives et transparentes.

La société civile zimbabwéenne a été confrontée à des restrictions injustifiées du droit à la liberté d’association au cours des derniers mois et ces restrictions ne feront que se multiplier si le projet de loi sur les OVP est adopté. En juin 2022, la police de la République du Zimbabwe a assiégé une réunion de l’école des jeunes de Mash Central (Bindura) sur le constitutionnalisme, a pris en otage environ 86 participant·es, a confisqué les feuilles de présence et a ordonné à chacun·e de lui fournir son adresse personnelle. Le même mois, une réunion de l’Institut pour le développement des jeunes femmes (Institute for Young Women Development – IYWD) a également été perturbée par la police et tous les participant·es ont été arrêté·es.
L’Observatoire exhorte le Président du Zimbabwe à rejeter la signature du projet de loi sur l’amendement du OVP, qui imposerait des restrictions injustifiées à l’espace civique dans le pays.

L’Observatoire exhorte le gouvernement du Zimbabwe à engager un dialogue avec les acteur·rices de la société civile et à promouvoir un environnement favorable pour eux et elles. L’Observatoire insiste fermement auprès des autorités pour protéger, respecter et promouvoir le droit à la liberté d’association, un droit protégé par la Constitution zimbabwéenne, en particulier l’article 58, ainsi que par les instruments internationaux relatifs aux droits humains auxquels le Zimbabwe est partie, en particulier l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

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L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (l’Observatoire) a été créé en 1997 par la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). L’objectif de ce programme est de prévenir ou de remédier aux situations de répression à l’encontre des défenseur.es des droits humains. La FIDH et l’OMCT sont toutes deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseur.es des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

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