Tchad : Nouvelles violations des droits humains sur fond d’un sixième mandat pour Idriss Déby

15/04/2021
Communiqué
André Kodmadjingar (VOA)

N’Djamena, Paris – 15 avril 2021 - La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH) condamnent la violente répression du sit-in du Collectif des lauréats professionnels de l’éducation en instance d’intégration, le Mercredi 14 avril 2021, devant le Ministère de l’éducation nationale, qui a fait plusieurs blessés, dont un enfant.

Le Mercredi 14 avril 2021 en milieu de matinée, un groupe de jeunes laureats professionnels de l’éducation nationale en instance d’intégration dans la fonction publique a organisé un sit-in devant le Ministère de l’éducation dans le 6e arrondissement de N’Djamena, pour protester contre le caractère peu participatif et inclusif d’une consultation, organisée la veille par le président Idriss Déby Itno, sur les questions liées à l’intégration des jeunes dans la fonction publique. D’après les informations recueillies par nos organisations, seul un groupe de jeune non membre du Collectif ont été conviés à cette consultation.

D’après des informations concordantes, le Groupement mobile d’intervention de la police (GMIP) et d’autres corps de la police sont rapidement arrivé devant le Ministère de l’éducation nationale pour disperser la manifestation, notamment en frappant les manifestants à coups de matraques, en faisant usage de de gaz lacrymogènes, et en poursuivant jusque dans des rues avoisinantes au ministère.. Fuyant la répression, certains manifestants se sont réfugiés dans l’école Belle-vue du quartier de Moursal. Les forces de l’ordre ont alors tirés à plusieurs reprises des gaz lacrymogènes dans l’enceinte de l’école, asphyxiant des dizaines de personnes, dont de nombreux élèves.

Au moment de la rédaction de ce communiqué, nos organisations décomptent 4 manifestants blessés, un passant gravement atteint à l’œil par une grenade lacrymogène et 16 élèves traumatisés et hospitalisés à cause des effets de la fumée des gaz lacrymogènes dont un dans un état sérieux. La FIDH s’indigne du fait que la police nationale d’un État souverain exerce ouvertement des actions violentes dans une enceinte où se trouvent des enfants. Nous attendons qu’une enquête soit diligentée pour déterminer les responsabilités dans ces exactions, et que les auteurs soient sanctionnés comme il se doit.

Le régime du président Déby Itno poursuit avec une forte intensité la répression systématique de toute manifestation, après une élection présidentielle largement contestée, boycottée et dont l’issue semblait déjà connue avant le scrutin. Cette dernière répression s’ajoute à la longue liste des manifestations violemment réprimées depuis le début de la contestation populaire, cette année, contre un sixième mandat du président Déby Itno.

« Ces événements démontrent la détermination du régime tchadien à supprimer toutes les formes de contestation et d’expression libre, y compris par l’usage d’une violence indiscriminée à l’encontre de la population. La FIDH et la LTDH réitèrent leurs appels aux autorités tchadiennes, encore récemment formulé en amont de l’élection présidentielle1, au respect des droits et libertés fondamentaux, à mettre un terme à la répression en cours contre l’opposition politique, les journalistes, les défenseurs des droits humains, les syndicats, et toutes les voix exprimant librement et pacifiquement leurs opinions, et à restaurer un dialogue politique, économique et social effectif, crédible, inclusif et apaisé »

Drissa Traoré, Secrétaire Général de la FIDH

Nos organisations rappellent que les libertés d’expression, d’association et de réunion sont garanties par la Constitution tchadienne en ses articles 17, 18 et 28, ainsi que par la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l’État tchadien est partie. L’usage excessif et disproportionné de la force est quant à lui prohibé par toutes les normes régionales et internationales des droits humains.

Nos organisations appellent la communauté internationale, et particulièrement les partenaires privilégiés du Tchad, notamment la France et l’Union européenne, à accorder une attention accrue à la situation politique et des droits humains au Tchad et à soutenir la protection et le respect des droits et des libertés de la population tchadienne, particulièrement pendant cette période post-électorale.

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