Présidentielle au Tchad : en finir avec la répression pour restaurer les droits et les libertés

09/04/2021
Communiqué
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MARCO LONGARI / AFP

Ndjamena, Nairobi, Paris – 9 avril 2021 – Alors que la campagne électorale prend fin aujourd’hui, nos organisations dénoncent les nouvelles arrestations, les 6 et 8 avril dernier, de plusieurs leaders et militants de partis politiques, en amont du scrutin présidentiel de ce dimanche 11 avril. Nos organisations condamnent la répression continue qui s’est abattue et se poursuit à l’encontre des opposants politiques, des défenseur.es des droits humains, des journalistes et des activistes mobilisé.es en contestation de la candidature à un sixième mandat du Maréchal Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis plus de 30 ans.

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), et le Mouvement Tournons la page expriment leurs vives inquiétudes face aux violations des libertés et droits fondamentaux répétées, et accrues en cette période électorale au Tchad.

Le 8 avril au soir, le ministère de l’Intérieur a annoncé l’arrestation de plusieurs chefs et militants de partis politiques mobilisés dans le cadre de la contestation populaire et sociale qui secoue le pays depuis plusieurs mois. D’après le communiqué du ministère, relayé par la presse, ces personnes sont accusées de préparer une tentative de perturbation de la tenue du scrutin présidentiel, notamment en attaquant le siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), des bureaux de vote et en perpétrant des assassinats ciblés. Le ministère de l’Intérieur déclare avoir démantelé un réseau terroriste.

Malgré la gravité de ces allégations, nos organisations rappellent que ce type de vagues d’arrestations et d’entraves aux libertés fondamentales sont des pratiques systématiques du pouvoir en place, a fortiori en période électorale. Ces derniers mois, nos organisations ont, à maintes reprises, exprimé leurs vives inquiétudes face à l’intensification de la répression à l’encontre des défenseur.es des droits humains au Tchad.

Ainsi, toutes les manifestations pacifiques organisées ces dernières semaines ont été marquées par des violations des droits humains à l’encontre de défenseur.es des droits humains, d’opposant.es politiques et d’activistes. Nos organisations ont notamment dénoncé les arrestations et détentions arbitraires, coups et blessures et actes de torture à l’encontre de dizaines d’acteurs politiques et de la société civile, dont Maxvelt Yogangnan Loalngar, président de la LTDH et de Mahamat Nour Ibedou, ex-Secrétaire général de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’Homme (CTDDH). À cela s’ajoutent des actes d’intimidation et de harcèlement, y compris judiciaire, récurrents à l’encontre de défenseur.es des droits humains et de militants politiques et sociaux.

« Le musellement de toutes les voix en faveur d’une alternance démocratique au Tchad est systématique et caractérise le pouvoir en place depuis plus de trente ans. Associé aux irrégularités fréquemment constatées lors des processus électoraux et déjà signalées pendant celui-ci, nos organisations dénoncent une élection qui s’annonce, encore une fois, ni crédible, ni libre, ni démocratique. »

Marc Ona Essangui, président du mouvement Tournons la page

Parallèlement, la campagne électorale a, à nouveau, été caractérisée par un déséquilibre flagrant en matière de visibilité et de liberté de mobilisation accordées aux sept candidats toujours en lice, notamment à Ndjamena. Alors que le Maréchal Idriss Déby Itno a pu, librement, organiser des événements dans la capitale, la majorité des autres candidats n’a bénéficié que d’une visibilité limitée à Ndjamena et a du faire le choix de battre campagne davantage dans les régions Sud du pays. D’un point de vue technique, plusieurs observateurs ont émis des doutes sur la fiabilité du fichier électoral, mentionnant des fraudes éventuelles lors de l’enrôlement biométrique des électeurs, remettant sérieusement en cause la transparence du scrutin.

« L’environnement électoral reste marqué par des violences, menaces et des intimidations ne favorisant pas l’expression libre des suffrages le jour du scrutin. Un tel environnement remet en cause l’essence d’une élection libre et sincère. Nous appelons les autorités tchadiennes à assurer le respect des droits et libertés fondamentaux de la population tchadienne pendant et après le vote. Notamment, les libertés d’expression, de réunion, et d’accès à l’information doivent être garanties et tout recours à la violence exclu. »

Drissa Traoré, secrétaire-général de la FIDH.

Nos organisations notent que des missions d’observation électorale ont été déployées par la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) et par l’Union africaine (UA), tandis qu’aucune information n’est accessible concernant de possibles missions d’observation électorale mandatées par d’important partenaires du Tchad, telles que l’Union européenne et l’Organisation internationale de la Francophonie. Nos organisations appellent la communauté internationale, et particulièrement les partenaires privilégiés du Tchad, notamment la France et l’Union européenne, à accorder une attention accrue à la situation politique et des droits humains au Tchad, particulièrement pendant cette période électorale, et conformément aux engagements régionaux et internationaux pris par les autorités tchadiennes.

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