Soudan : les autorités militaires doivent cesser le recours à la force contre les manifestant·es

01/07/2022
Déclaration
en es fr
AFP

Khartoum, Nairobi, Paris, 30 juin 2022. Le 30 juin, jour anniversaire de la prise du pouvoir de l’ancien dirigeant soudanais, Omar el-Bachir en 1989, la population soudanaise a une nouvelle fois exprimé, dans les rues, son désir profond d’en finir avec les dictatures militaires. La répression mortelle des manifestations populaires et pacifiques par les autorités au pouvoir ne doit plus rester impunie. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l’African Center for Justice and Peace Studies (ACJPS) et le Sudan Human Rights Monitor (SHRM) condamnent avec la plus grande fermeté l’usage de la force par les forces de sécurité soudanaises.

Le 30 juin 2022, alors que des manifestant·es se rassemblent pour le double anniversaire du putsch de 1989 et des rassemblements qui ont conduit à sa démission forcée en 2019, neuf manifestant·es ont été tué·es. Plus de 500 personnes (dont 85 actuellement à l’hôpital d’Omdurman et six au Nord Darfour) ont été blessé·es par balles réelles et tirs d’armes à feu, en provenance notamment de snipers postés sur les grands axes. 150 personnes sont en détention, dont 27 femmes. Selon des membres de l’association Emergency Lawyers, de nombreux·ses détenu·es sont blessé·es et ont été torturé·es, tandis que les avocat·es ont été empêché·es d’entrer dans les commissariats de police.

Nos organisations sont profondément préoccupées par les attaques délibérées à l’encontre de la population, visant à faire taire, à tout prix, les voix qui s’élèvent pour mettre fin au régime militaire. La coupure du réseau Internet illustre la volonté du pouvoir de museler et de contenir les nombreuses voix des civil·es, des défenseur·es des droits humains et des organisations de la société civile qui portent l’espoir d’en finir avec les décennies d’impunité au Soudan.

Depuis le coup d’État du 25 octobre 2021, la parenthèse civilo-militaire a pris fin et les pratiques de l’ancien régime ont refait surface. Les forces de sécurité soudanaises opèrent en toute impunité. Depuis le mois d’octobre, ce sont plus de 112 civil·es qui ont perdu la vie dans des manifestations et plus de 5 000 blessé·es. Le harcèlement et les atteintes à liberté d’expression contribuent à la fermeture de l’espace civique et démocratique, au détriment des organisations de la société civile et de défense des droits humains.

“L’instrumentalisation du système judiciaire par les autorités, à l’origine de procès politique, visant à mettre en détention les opposant·es et figures de la société civile, rappelle les périodes sombres de l’histoire récente soudanaise.”

Mossaad Mohamed Ali, directeur exécutif de l'ACJPS

L’augmentation inquiétante des violences au Darfour et au Kordofan est un autre signe du climat d’impunité qui règne dans le pays. Dans l’ouest du Darfour, au moins 276 personnes ont perdu la vie et 65 000 ont été déplacées. Les accords de paix de Juba d’octobre 2020 ne sont pas mis en œuvre et le gouvernement viole son obligation de protection des populations civiles.

“Les militaires doivent répondre aux aspirations du peuple soudanais en matière de liberté, de paix et de justice. Ces demandes passent par la fin de l’impunité qui perdure au Soudan.”

Ahmed Elzobier, directeur de SHRM

Les auteur·es de graves violations des droits humains, y compris des crimes internationaux commis sous le régime d’Omar el-Bachir, mais aussi des crimes commis pendant la période de transition, notamment lors du massacre du 3 juin, et depuis le Coup de 2021 doivent être poursuivis.

“Nos organisations demandent aux partenaires internationaux et régionaux de condamner sans plus attendre les violations des droits humains qui se multiplient dans l’ensemble du pays et de soutenir l’aspiration du peuple soudanais à consolider la démocratie.”

Sheila Muwanga, vice-présidente de la FIDH
Lire la suite