Paris, Kampala, Nairobi, 14 septembre 2023. Dans une décision rendue publique en août 2023, la Commission africaine a conclu que l’arrestation et la détention des deux leaders de la défense des droits humains, Farouq Abu Eissa et Amin Mekki Medani, en 2015, constituaient un acte de représailles et avaient pour but de faire taire des opinions contraires à celles du gouvernement. La Commission a qualifié ces faits de conformes aux tendances observées au Soudan au cours des dernières années, en particulier avec l’opposition au mouvement pro-démocratie depuis 2019. La décision tant attendue de la Commission africaine a été rendue lors de sa 73e session ordinaire et a conclu que le Soudan avait violé six dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, justifiant ainsi des réparations.
"Cette décision est une rare lueur d’espoir car elle affirme les droits du peuple soudanais, qui a été soumis pendant des décennies à de graves violations des droits humains par des régimes répressifs", a déclaré Alice Mogwe, Présidente de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ajoutant : "Cette décision est importante car elle souligne que ces tactiques inhumaines utilisées pour réduire au silence les opinions divergentes de celles du gouvernement ne sont pas acceptables".
Arrestations arbitraires : un moyen de faire taire la société civile
En février 2015, après de multiples appels publics à la libération des deux leaders de la défense des droits humains de leur détention au secret, la FIDH, le Centre africain pour la justice et la paix (ACJPS), REDRESS et l’OMCT ont déposé une communication urgente auprès de la Commission africaine des droits de l’homme, demandant des mesures immédiates pour remédier à la situation. La Commission africaine a émis des mesures provisoires demandant au Soudan de garantir que les victimes aient un accès régulier et sans entrave à des soins médicaux adéquats, y compris des soins dispensés par leur famille, et de veiller à ce que les avocat⋅es aient un accès régulier et sans entrave aux victimes.
En avril 2015, après plus de quatre mois de détention et l’instruction de fausses accusations d’infractions capitales telles que la "création et la direction d’une organisation terroriste", "la subversion du système constitutionnel" et "la conduite d’une guerre contre l’État", MM. Medani et Eissa ont été libérés et aucune mesure ultérieure n’a été prise contre eux. Ces dernières années, la FIDH et l’ACJPS ont reçu et répondu à de nombreux rapports d’arrestations arbitraires et de détentions au secret par les forces gouvernementales soudanaises.
Un bon précédent pour un pays confronté au tumulte
Bien que cette décision intervienne à un moment où le Soudan est en tumulte, elle établit un bon précédent et donne des indications sur ce que le gouvernement soudanais devrait faire pour réparer le préjudice subi par les deux défenseurs des droits humains, malheureusement décédés avant la décision.
"Les réparations vont au-delà de la compensation aux familles des victimes et nécessitent la mise en place de mesures visant à mettre en œuvre des garanties procédurales pour la prévention de la torture et des mauvais traitements, ainsi que le renforcement des dispositions législatives et des procédures d’action administrative pour protéger les citoyen⋅nes contre l’utilisation arbitraire du pouvoir par les forces de sécurité", a déclaré Mossad Mohamed, Directeur exécutif du Centre africain pour la justice et la paix (ACJPS).
La FIDH, l’ACJPS, le Sudan Human Rights Monitor (SHRM) et REDRESS, avec d’autres partenaires, continuent de plaider en faveur d’une résolution pacifique du conflit en cours au Soudan, de la reddition de comptes et d’un retour à un gouvernement dirigé par des civils au Soudan, et suivront de près pour garantir l’exécution de la décision en temps voulu.
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