Actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de Me Mathias Morouba - CAF 001 / 1109 / OBS 174

L’Observatoire a été informé de sources fiables d’actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de Me Mathias Morouba, vice-président de l’Observatoire Centrafricain des Droits de l’Homme (OCDH), avocat, et assistant de la représentante légale des victimes de l’Organisation pour la compassion et le développement des familles en détresse (OCODEFAD) dans l’affaire en cours devant la Cour pénale internationale (CPI) « Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo »[1].

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la Torture (OMCT), vous prie d’intervenir d’urgence sur la situation suivante en République Centrafricaine (RCA).

Selon les informations reçues, le 17 novembre 2009 aux alentours de 10 heures, dans la salle des pas perdus du Tribunal de grande instance de Bangui, un homme, identifié comme un partisan de l’ancien président de la République Centrafricaine M. Ange Félix Patassé, s’est adressé à Me Mathias Morouba en ces termes : "C’est toi qui nous tire dessus", avant de donner, à la demande de Me. Morouba, des précisions sur l’identité de ces personnes : "Nous qui sommes à l’extérieur".

Le 18 novembre 2009, un client de Me Morouba lui a répété à deux reprises la phrase suivante en présence de l’avocat dans le cabinet duquel il était venu réaliser une transaction et devant deux autres témoins : "Tu déranges notre président Ange Félix Patassé. Je ne suis pas d’accord avec toi !" Avant d’avertir à nouveau Me. Morouba en privé : "Lors de nos réunions, tout le monde ne parle que de toi. Tu déranges notre président Ange Félix Patassé".

En outre, le 23 novembre 2009, une source judiciaire identifiée a informé Me Mathias Morouba de la présence en RCA de sept mercenaires étrangers qui « sont en contact avec les partisans d’AFP [Ange Félix Patassé] et participent à leurs réunions et dont on ne connaît pas le mandat précis". Ces sept hommes auraient été arrêtés récemment en possession notamment d’une forte somme de dollars américains et de certificats de formation militaire. Ils seraient actuellement détenus par les autorités centrafricaines dans la ville de Bossangoa. L’objet de leur présence en RCA demeure inconnu.

L’Observatoire souligne que ces actes d’intimidation à l’encontre de Me Mathias Morouba s’inscrivent dans le contexte tendu du retour de l’ancien président de la République Centrafricaine, M. Ange Félix Patassé en RCA, avec l’intention affichée de se présenter aux élections présidentielles de 2010. De même, l’année 2010 devrait voir l’ouverture du procès de M. Jean-Pierre Bemba, accusé par la CPI d’être responsable des crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés par ses troupes du MLC en 2002 et 2003 en RCA alors même que M. Ange Félix Patassé était le président de la RCA.

L’Observatoire rappelle que le décès de Me. Goungaye Wanfiyo, président de la Ligue centrafricaine des droits de l’Homme (LCDH) et avocat devant la CPI, est survenu, le 27 décembre 2008, dans des circonstances qui laissent planer la possibilité d’un assassinat en raison de son rôle central dans la dénonciation des violations des droits de l’Homme en RCA ainsi que du soutien qu’il apportait aux victimes devant la CPI[2].

L’Observatoire exprime donc sa plus vive préoccupation pour l’intégrité physique et psychologique de Me Mathias Morouba du fait de ses activités de lutte contre l’impunité contre les auteurs des violations des droits de l’Homme commises notamment sous la présidence de M. Ange Félix Patassé.

L’Observatoire rappelle également que l’article 12.2 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme des Nations unies prévoit que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration".

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités centrafricaines en leur demandant de :

· Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Me Mathias Morouba ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en République Centrafricaine ;

· Mener une enquête indépendante sur les menaces décrites ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés, dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi centrafricaine et aux dispositions internationales en matière de protection des droits de l’Homme ;

· Veiller à ce qu’un terme soit mis à toute forme de menaces et de harcèlement à l’encontre de Me Mathias Morouba et de tous les défenseurs des droits de l’Homme en République Centrafricaine ;

· Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui stipule que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international" et son article 12.2 susmentionné ;

· Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République Centrafricaine.

Adresses :

·M. Francois Bozize, Président de la République. Fax : +236 05 56 20 ;

·M. Faustin Touadéra, Premier Ministre. Fax : + 236 61 42 71 ;

·M. Raymond Ndougou, Ministre de l’Intérieur chargé de l’Administration du territoire. Fax : + 236 61 26 27 ;

·M. Thierry Maléyombo, Ministre de la Justice, des droits de l’Homme et de la bonne gouvernance. Fax : + 236 61 1579 ;

·Ambassade de la République centrafricaine à Bruxelles, 416 bd. Lambermont, 1030 Saint-Josse-Ten-Noode, Belgique, Fax : + 32 2 215 13 11 ; Tel : 32 2 242 28 80, Email : ambassade.centrafrique@skynet.be ;

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République Centrafricaine dans vos pays respectifs.

 [1]

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