Initialement condamné à la peine capitale au premier degré en 2011, le colonel Daniel Mukalay a vu sa peine réduite à 15 ans de prison. La Haute cour militaire a estimé qu’il bénéficiait de circonstances atténuantes étant donné qu’il était « délinquant primaire », en d’autres termes, auteur d’un crime pour la première fois. Le capitaine Michel Mwila, qui avait été condamné à une peine de prison à perpétuité en première instance [1], a quant à lui été acquitté, tout comme les trois autres policiers accusés [2]. Le ministère public avait requis la prison à vie pour les cinq policiers jugés, rejoignant la demande des parties civiles, opposées à la peine de mort.
« La clémence de la Haute cour militaire est scandaleuse et révoltante. Le jugement est truffé d’inexactitudes et reflète un manque d’examen des preuves présentées. Il est tout autant incompréhensible que le Général John Numbi, principal suspect, n’ait pas comparu devant la Haute cour militaire, pourtant habilitée à juger celui qui au moment des faits occupait la fonction d’Inspecteur général de la Police nationale congolaise. »
Karim Lahidji, président de la FIDH
« Cette procédure en appel est une parodie de justice. Aucun procès ne peut être équitable lorsqu’il est accompagné de menaces de mort visant les avocats des parties civiles. Cinq ans après l’assassinat de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana, justice doit enfin être rendue et toute la lumière faite dans cette affaire. Il est par ailleurs de la responsabilité de l’État de protéger tous les défenseurs, y compris les avocats impliqués dans la lutte contre l’impunité. »
Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT
Dans les jours précédant la prononciation du verdict en appel, plusieurs avocats des parties civiles avaient en effet reçu des menaces de mort, à l’instar de Me Richard Bondo, Me Jean-Marie Kabengela Ilunga, Me Elie Mbikayi Muamba et Me Peter Ngomo Milambo [3].
Suite au verdict de la Haute cour militaire, les parties civiles ont immédiatement annoncé leur intention de se pourvoir en cassation, dénonçant « une banalisation du crime d’état ». Cette nouvelle décision démontre, encore une fois, que les tentatives de faire la lumière sur le double assassinat en juin 2010 de Floribert Chebeya, directeur exécutif de la Voix des sans-voix pour les droits de l’Homme (VSV) et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, et de Fidèle Bazana, également membre de la VSV et chauffeur de Floribert Chebeya, semblent bel et bien bloquées en RDC en raison d’une volonté manifeste des autorités congolaises de protéger les plus hauts responsables. La FIDH et l’OMCT, notamment à travers l’action de l’Observatoire, continueront à soutenir les familles des victimes afin que justice leur soit enfin rendue.
À cet effet, nos organisations rappellent que la justice sénégalaise est également saisie de l’affaire de ce double assassinat. Face à l’inaction de la justice congolaise, la FIDH et les familles des victimes ont en effet décidé de déposer plainte avec constitution de partie civile devant la justice sénégalaise sur la base de la loi sénégalaise dite de compétence extra territoriale du 12 février 2007. Cette plainte vise Paul Mwilambwe, l’un des responsables présumés dans cette affaire, qui avait trouvé refuge au Sénégal [4]. Nos organisations appellent aujourd’hui les autorités judiciaires sénégalaises à poursuivre leur enquête dans cette affaire hautement symbolique.
L’Observatoire demande aux autorités congolaises de garantir en toutes circonstances la protection des défenseurs des droits de l’Homme, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme et aux autres instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC. L’Observatoire appelle en outre à un procès équitable en cassation devant un tribunal indépendant, compétent et impartial, permettant de traduire tous les responsables et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives adéquates prévues par la loi.