RDC : 3 ans de prison requis contre les 5 membres de Filimbi

17/08/2018
Appel urgent
RDC
©Filimbi

COD 001 / 0118 / OBS 007.5
Détention arbitraire /
Harcèlement judiciaire
République démocratique du Congo
17 août 2018

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence dans la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire à l’encontre des cinq membres du Mouvement Filimbi [1], M. Carbone Beni Wa Beya, chargé de la mobilisation et du déploiement au sein de Filimbi, M. Mino Bompomi, coordinateur de la cellule de Kinshasa, M. Palmer Kabeya, vice-coordinateur de la cellule de Kinshasa, et MM. Grâce Tshiuza et Cédric Kalonji.

Selon les informations reçues, lors de l’audience foraine à la prison de Makala le 16 août 2018, le Ministère public a requis un maximum de 3 ans de prison ferme contre les 5 militants de Filimbi, retenant les accusations d’« offense au chef de l’État », « publications d’écrits subversifs » et « incitation à la désobéissance ». Le Tribunal devrait rendre son jugement final sous 10 jours, avant le 26 août 2018.

Les cinq défenseurs sont poursuivis pour « atteinte à la sûreté de l’État » en lien avec leur participation à une manifestation pacifique appelant la population à adhérer à l’appel du Comité Laïc de Coordination (CLC) pour la marche du 31 décembre 2017 (voir rappel des faits ci-dessous). Ils sont détenus arbitrairement depuis le 27 et le 30 décembre 2017.

L’Observatoire condamne fermement la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire à l’encontre de MM. Carbone Beni Wa Beya, Mino Bompomi, Palmer Kabeya, Grâce Tshiuza et Cédric Kalonji, poursuites qui ne visent qu’à sanctionner leurs activités pacifiques de défense des droits civils et politiques en RDC.

L’Observatoire réitère ses vives inquiétudes quant au contexte général d’intimidations et de répression à l’encontre des défenseurs des droits humains en RDC, notamment ceux membres de mouvements citoyens mobilisés en faveur de la mise en œuvre de l’Accord politique du 31 décembre 2016 et de l’organisation des élections générales, tels que LUCHA, Filimbi et Compte à Rebours [2].

Rappel des faits :

Le 27 décembre 2017, M. Palmer Kabeya a été arrêté à Kinshasa alors qu’il promouvait la participation à la marche pacifique du 31 décembre 2017, et conduit immédiatement à la Détection militaire des activités anti patrie (DEMIAP).

Le 30 décembre 2017 à Kinshasa, MM. Carbone Beni, Mino Bompomi, Grâce Tshiuza et Cédric Kalonji ont été enlevés par des miliciens proches du régime congolais, et conduits à l’Inspection provinciale de la police de Kinshasa (IPKIN). Ils ont été placés en détention provisoire le même jour pour « atteinte à la sûreté de l’État ».

M. Beni aurait été torturé aux fins d’obtenir de lui des aveux au sujet de son engagement pour la démocratie et le réseau de soutien au mouvement Filimbi.

Ces enlèvements se sont produits alors que ces derniers distribuaient des flyers visant à sensibiliser la population de quartiers populaires de Kinshasa à propos des marches pacifiques programmées pour le lendemain, le 31 décembre 2017, à l’appel du CLC, afin de réclamer l’application intégrale de l’Accord politique du 31 décembre 2016, censé conduire le pays vers des élections présidentielle, législatives et provinciales d’ici la fin 2017.

Le 2 janvier 2018, MM. Carbone Beni et Cédric Kalonji ont été transférés dans les locaux de l’ANR en face de la Primature.

Le 28 février 2018, M. Mino Bompomi et M. Grâce Tshiuza ont été transférés des locaux de l’ANR en face de la Primature, où ils étaient détenus depuis le 2 janvier 2018, vers le quartier général de l’ANR à Kinshasa.

Le 3 avril 2018, M. Palmer Kabeya a été transféré dans les locaux de l’ANR.

Le 1er mai 2018, M. Carbone Beni a été transféré des locaux de l’ANR vers la clinique de Ngaliema à la suite de problèmes d’articulation aggravés par ses conditions de détention et où il a subi une opération de l’appendicite.

Le 9 juin 2018, les cinq défenseurs des droits humains ont été transférés au Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK) après avoir été auditionnés une première fois le 8 juin 2018 par le Parquet général de Kinshasa Gombé en présence de leurs avocats. Détenus depuis les 27 et 30 décembre 2017, les cinq membres de Filimbi n’avaient jusqu’alors pas été présentés au parquet et n’avaient pas accès à leurs avocats.

Le 19 juin 2018, MM. Carbone Beni, Mino Bompomi, Palmer Kabeya, Grâce Tshiuza et Cédric Kalonji comparaissaient devant la chambre du conseil du tribunal de paix de Kinshasa Gombé pour examiner l’irrégularité de leur mandat d’arrêt provisoire, expiré depuis le mercredi 13 juin 2018.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ;

ii. Libérer immédiatement et inconditionnellement MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

iv. Dans l’attente de ces mesures, garantir le droit à un procès équitable de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1 et 12.2 ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par la RDC.

Adresses :
S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Fax +243 88 02 120 ;
M. Bruno Tshibala, Premier Ministre, E-mail : cabinet@primature.cd ;
M. Alexis Tambwe Mwamba, Ministre de la Justice, Fax : + 243 88 05 521, E-mail : minjustdh@gmail.com ;
Mme Marie-Ange Mushobekwa, Ministre des droits humains min-droitshumains@yahoo.fr ;
M. Flory Kabange Numbi, Procureur Général de la République ; E-mail : florykan@yahoo.fr, pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com ;
Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, E-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82 ;
S.E. M. Dominique Kilufya Kamfwa, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, E-mail : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République démocratique du Congo dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 17 août 2018

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Filimbi est une plateforme qui vise à encourager les jeunes Congolais à accomplir pacifiquement et de manière responsable leurs devoirs civiques. Filimbi fait partie du « Front Citoyen 2016 » qui regroupe des organisations de la société civile comme la Voix des sans voix (VSV), l’Asadho et la Ligue des Électeurs (LE), des mouvements citoyens tels que Filimbi, et des opposants politiques, qui s’opposent à tout changement du cadre légal visant à octroyer à l’actuel Président la possibilité de briguer un troisième mandat et militent pour le respect de la Constitution.
[2] Voir par exemple les Appels urgents de l’Observatoire COD 001 / 0217 / OBS 014 publié le 1er février 2017, COD 004 / 0817 / OBS 085.4 publié le 5 décembre 2017, COD 002 / 0218 / OBS 019 publié le 8 février 2018

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