Nouvel assassinat d’un défenseur des droits de l’Homme

16/11/2005
Communiqué
RDC

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, expriment leur plus vive consternation concernant l’assassinat de M. Polycarpe Mpoyi Ngongo, coordinateur du Réseau national d’observation des élections (RENOSEC) pour la région du Kasaï-oriental, et responsable du Centre de formation et d’éducation populaire (CEFOP).

Selon les informations reçues, M. Polycarpe Mpoyi Ngongo a été renversé le 9 novembre 2005, à Mbuji-Mayi, par un véhicule de la Police d’intervention rapide (PIR) qui, à l’évidence, a brusquement dévié de sa trajectoire pour le percuter. M. Mpoyi Ngongo est décédé sur le coup, du fait de la violence du choc. Il se rendait à son bureau en mobylette par sa route habituelle, lorsqu’il a reçu un appel sur son téléphone portable, qui s’est par la suite révélé provenir d’un numéro inconnu. M. Mpoyi Ngongo a été renversé au moment où il se garait sur le trottoir, afin de répondre à cet appel.

M. Polycarpe Mpoyi Ngongo avait fait l’objet de menaces et d’intimidations de la part d’agents de la PIR. Notamment, le jour de son assassinat et durant les trois jours qui l’ont précédé, des agents de la PIR s’étaient régulièrement postés en faction aux abords de son domicile, à Mbuji-Mayi, et y avaient effectué de nombreuses rondes. En outre, le 7 novembre 2005, M. Mpoyi Ngongo avait été suivi par des agents de la PIR. Il avait alors informé ces collaborateurs qu’il se sentait en danger.

En présence du gouverneur du Kasaï-oriental, M. Kanku Kabengela, arrivé le premier sur les lieux de l’assassinat, trois militants des droits de l’Homme, venus s’assurer de la régularité de la procédure policière, ont été arrêtés sur ordre du Major Israël Kantu, commandant des services spéciaux de la police. Ils ont été relâchés quelques heures plus tard, mais continuent à ce jour de subir des pressions de la part des autorités locales.

M. Mpoyi Ngongo avait à maintes reprises dénoncé la montée de l’insécurité et des violations des droits de l’Homme dans la province du Kasaï-oriental, et avait eu à ce propos un entretien informel avec M. Kanku Kabengela dans l’avion qui les ramenaient de Kinshasa, le 6 novembre 2005.

M. Polycarpe Mpoyi Ngongo était engagé dans la promotion des droits de l’Homme et l’éducation civique au sein du CEFOP et membre du Réseau d’organisations des droits humains et d’éducation civique d’inspiration chrétienne (RODHECIC). Il était par ailleurs l’un des principaux animateurs du RENOSEC, mis en place pour veiller à la régularité du processus électoral en RDC. Plus particulièrement, il travaillait sur l’implication possible des autorités dans l’assassinat de Me Leonard Mukendi Kabongo, avocat au Barreau de Mbuji-Mayi, tué dans la nuit du 30 au 31 octobre 2005, dont l’enquête est en cours (à la suite de cet assassinat, le Barreau a déposé plainte ; l’ensemble des avocats de la ville ont refusé de défendre les deux auteurs présumés de ce crime, estimant que leurs inculpations relevaient d’une mise en scène de la part des autorités, visant à protéger les vrais coupables).

L’Observatoire rappelle que ces événements interviennent dans un contexte de nette détérioration de la situation des défenseurs droits de l’Homme et d’une tension croissante entre les différents acteurs politiques, en lien avec la prolongation de la période de transition.

Ainsi, l’assassinat de M. Polycarpe Mpoyi Ngongo fait suite au meurtre de M. Pascal Kabungulu Kibembi, secrétaire exécutif de l’ONG Héritiers de la Justice et membre de la Ligue des droits de l’Homme dans la région des Grands Lacs, le 31 juillet 2005 à Bukavu. La Commission d’enquête mise en place par les autorités n’a toujours pas rendu ses conclusions.

Par ailleurs, de nombreux défenseurs des droits de l’Homme font ou ont fait l’objet de menaces de mort et d’attaques, à l’instar de M. Paul Nsapu, président de la Ligue des électeurs (LE), coordinateur principal du Réseau national d’observation des élections (RENOSEC) et animateur du Réseau d’observation des manifestations et des libertés publique, qui a dû fuir la RDC depuis plusieurs mois ; de M. Dismas Kitenge Senga, président du Groupe Lotus, ONG de défense des droits de l’Homme basée à Kisangani, et animateur du Collectif des associations de défense des droits de l’Homme, dont le domicile a été incendié par des inconnus dans la nuit du 22 au 23 septembre 2005. ; de la Fondation Chirezi, attaquée le 5 octobre 2005 à Uvira, dont le président M. Floribert Kazingufu a dû fuir par peur de représailles, ou encore des membres de l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO) au Katanga, notamment M. Golden Misabiko, président et M. Amigo Ngonde, président d’honneur, qui ont été attaqués le 16 mai 2005.

L’Observatoire appelle les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) à :

L’Observatoire appelle les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) à garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des défenseurs des droits de l’Homme en RDC et à veiller à ce que des enquêtes impartiales et indépendantes soient conduites concernant les assassinats de M. Polycarpe Mpoyi Ngongo et M. Leonard Mukendi Kabongo, afin que leurs auteurs soient identifiés, arrêtés et dûment sanctionnés. Plus généralement, l’Observatoire demande aux autorités congolaises de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ainsi qu’aux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

Contact presse : Karine Appy - + 01 43 55 12 14

Gaël Grilhot
Attaché de presse
Press Officer
FIDH
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