Journée de solidarité avec les victimes de crimes sexuels en République démocratique du Congo

19/11/2007
Communiqué
RDC

Discours de la Présidente de la FIDH, Souhayr Belhassen

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Représentant spécial des Nations Unies,
Monsieur le Directeur des droits de l’Homme du Haut Commissariat,
Mesdames et messieurs,
Chères sœurs,

Je veux vous dire ma fierté d’être parmi vous aujourd’hui : vous qui représentez des victimes des crimes parmi les plus odieux qui soient, le viol et les autres formes de violences sexuelles ; vous qui avez souffert l’indicible, l’atteinte la plus cruelle et lâche à l’intégrité humaine. Vous qui souffrez aujourd’hui du poids du tabou et de la stigmatisation par votre société et peut-être y compris par vos plus proches. Vous qui avez cru aux discours des grands de notre monde - « ayez confiance, après la transition, les crimes disparaîtront » - et qui souffrez aujourd’hui de la résurgence de l’horreur. Je suis fière d’être à vos côtés aujourd’hui pour exprimer ma colère.

En tant que Présidente de la FIDH et en tant que femme, je ne peux supporter la détresse que vous éprouvez et l’abandon que vous subissez. Cette journée de solidarité avec les victimes de violences sexuelles, je ne l’imagine pas comme une manifestation ordinaire, c’est l’occasion pour la FIDH de crier son indignation, alors qu’une nouvelle fois, les viols, utilisés comme un véritable arme de guerre d’appropriation et de conquête territoriale, se multiplient par milliers dans l’Est du Congo. C’est l’occasion pour la FIDH d’être avec vous. C’est l’occasion pour la FIDH d’exiger l’action.

Pourquoi la loi sur la répression des crimes sexuels promulguée en juillet 2006 ne connaît-elle pas le commencement d’une application effective ? On me dira à raison que quelques auteurs de viols ont été condamnés pour crimes contre l’humanité par un tribunal local. Que l’on nous explique alors pourquoi ils ont pu si facilement échapper a l’emprisonnement. Que représentent une poignée condamnés libérés au regard des milliers de criminels encore en liberté et qui tous jouissent d’une impunité quasi absolue ?

Que l’on nous explique alors pourquoi le projet de loi sur la coopération de la RDC avec la Cour pénale internationale n’a pas encore été examiné par le parlement. Et que dire alors de l’absence de ratification du Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique ? Et du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination a l’égard des femmes ?

Aujourd’hui, quasiment abandonnées à votre sort par l’Etat, vous avez le droit de revendiquer haut et fort votre droit fondamental à la justice. Et nous voulons vous y aider. Nous exigeons que soient mis en place les moyens de répression systématique et exemplaire des criminels auteurs de violences sexuelles. Nous exigeons que cette répression vise les criminels quels qu’ils soient, quelle que soit leur fonction, et où qu’ils se trouvent. Nous attendons qu’enfin des tribunaux ordinaires puissent connaître des crimes internationaux, à la place des juridictions militaires. Nous attendons que la justice soit consacrée comme priorité numéro un du gouvernement et de la communauté internationale. La résurgence des viols massifs est symptomatique de l’incapacité d’un système judiciaire ineffectif et de l’impunité endémique qui en découle. Nous exigeons le respect scrupuleux de l’indépendance du pouvoir judiciaire - y compris les moyens que cela implique - du droit à un procès équitable y compris les droits de la défense, l’abolition légale et explicite de la peine de mort. Les prisons doivent être reformés. Les magistrats doivent être formés et respectés, y compris dans leur intégrité physique. Tout auteur de menaces, de représailles ou de torture contre un membre du personnel judiciaire, doit être immédiatement sanctionné ; et, je le répète, quel que soit son grade, sa fonction ou la qualité qu’il avance.

Car, nous en avons la conviction, nous en avons l’expérience : « il ne peut y avoir de paix sans justice », comme me l’a affirmé avec conviction le Secrétaire général des Nations Unies que j’ai rencontré voilà un mois.

Les acteurs de la lutte contre l’impunité mènent en RDC un combat exemplaire ; ils encourent tous les risques pour informer ; et pour accompagner les victimes. Défenseurs des droits de l’Homme ou journalistes, ils ont droit à la protection de l’Etat qu’exige le droit international. C’est le cas également de toutes les personnes qui tentent, dans le dénuement et la guerre, d’apporter aide, soins et réconfort aux victimes de ces crimes affreux. A l’instar des personnels de l’hôpital de Panzi à Bukavu ou de l’Oeuvre social et de développement à Kinshasa, auquel nous avons rendu visite hier. Ces personnes ordinaires qui font l’extraordinaire au quotidien. Pour répondre à l’abomination des crimes sexuels, c’est aussi à la société toute entière d’être solidaire.

Avec les organisations congolaises membres et partenaires de la FIDH, je vous le dis, nous sommes mobilisés aux côtés des victimes de crimes sexuels. Enquêtes sur le terrain, plaidoyer devant les instances internationales et régionales – comme la Commission africaine dont nous attendons qu’elle réagisse sur les crimes sexuels en RDC dans les prochains jours ; saisine de tribunaux, jusqu’à la Cour pénale internationale, et encore, inlassablement, tenter de convaincre les acteurs politiques d’assumer leurs responsabilités politiques.

Voilà pourquoi, à tous, aujourd’hui, nous lançons un appel à la mobilisation générale contre les violences sexuelles en RDC. Car qui ne répondrait en ce monde à la terrible obstination du crime sinon l’obstination inlassable, du témoignage et de la justice ?

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