Pas de paix durable sans justice

Lettre ouverte

à M. Yoweri Museveni, Président de la République de l’Ouganda

Monsieur le Président,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) accueille avec satisfaction l’entrée en vigueur d’un accord de cessation des hostilités entre votre gouvernement et les rebelles de l’Armée de Résistance du Seigneur (ARS), qui pourrait mettre fin à deux décennies de guerre civile au Nord de l’Ouganda.

La FIDH reste cependant préoccupée par la proposition d’amnistie qui pourrait être accordée aux membres de l’ARS dans le cadre d’un processus de paix, et vous appelle à remplir vos obligations en vertu du Statut de la Cour pénale internationale (CPI).

La population ougandaise mérite une paix durable. L’expérience montre cependant que les amnisties octroyées aux auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité n’ont jamais permis la construction d’une paix durable ni contribué à une réconciliation nationale. De telles amnisties violent au contraire les principes fondamentaux du droit international mais également les droits des victimes à la justice et à la réparation. En cas d’accord de paix final accordant des amnisties, les droits à la justice et à la vérité des victimes de viols, de meurtres, de recrutement forcé et de mutilations ne seraient jamais reconnus.

En déferrant la situation de votre pays à la CPI, vous avez reconnu sa compétence pour juger les responsables des crimes les plus graves et vous vous êtes par conséquent engagés à lutter contre l’impunité, conformément au principe reconnu par le droit international selon lequel les auteurs de tels crimes doivent être poursuivis et jugés.

En accordant l’amnistie aux chefs rebelles de l’ARS, vous contreviendriez à l’essence même du Statut de la CPI qui s’oppose à toute décision prise « dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour » (article 17 2. a) du Statut de la CPI). Aux termes du Statut de Rome, une telle décision démontrerait l’absence de volonté de l’État ougandais de poursuivre et juger les auteurs des crimes les plus graves ; elle renforcerait de surcroît l’admissibilité de la situation que vous avez déferrée à la CPI.

Il serait pour le moins paradoxal, infondé et intenable de considérer que les « intérêts de la justice » visés à l’article 53 du Statut de Rome pourraient justifier la suspension des charges retenues à l’encontre des chefs rebelles de l’ARS.

La FIDH considère qu’il est de votre devoir de démontrer aux victimes des crimes les plus atroces que la paix et la justice ne sont pas contradictoires mais au contraire indissociables. La FIDH vous appelle par conséquent à remplir vos obligations conformément au Statut de la CPI et à exécuter les mandats d’arrêt internationaux délivrés à l’encontre des chef rebelles de l’ARS.

Je vous prie, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de ma haute considération.

Sidiki Kaba

Président de la FIDH

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