Radicalisation politique et harcèlement des défenseurs

30/01/2002
Appel urgent

Le vendredi 25 Janvier 2002, alors qu’une mission de la FIDH se trouvait dans le pays*, le Procureur général de la République de la Guinée Bissau a lancé deux mandats d’arrêt contre Joao Vaz MANE, Vice président de la Ligue guinéenne des droits de l’Homme (LGDH - organisation membre de la FIDH) et Fernando GOMES, ancien Président de la LGDH et ancien Vice-président de la FIDH, pour des faits qualifiés de "fausses factures, faux en écriture et détournement de fonds privés".

Le samedi 26 janvier, Joao Vaz Mane a été arrêté. Ces poursuites et cette arrestation, bien que sous le couvert d’une inculpation de droit commun, ont indiscutablement une connotation politique.

Au cours d’une audience qui leur a été accordée le lundi 28 janvier par M. Koumba Yala, Président de la République de Guinée-Bissau, les membres de la mission de la FIDH ont demandé la remise en liberté de Joao Vaz MANE et la levée du mandat d’arrêt contre Fernando Gomes.

En effet, les faits reprochés à Messieurs Mane et Gomes concernent un financement octroyé à la Ligue, en soutien des seules activités de celles-ci, par une Fondation hollandaise en 1998 ; ainsi, la destination exacte du financement octroyé concerne exclusivement la Ligue et son bailleur de fonds, comme prévu à l’article 13 de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme ; cet article prévoit que "chacun a le droit , individuellement ou en association avec d’autres, de solliciter, recevoir et utiliser des ressources dans le but exprès de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales par des moyens pacifiques".

La FIDH dénonce la radicalisation des pratiques politiques du régime en place, illustrée notamment par : la fermeture d’organes de presse privée ; les menaces de confiscation des immeubles sièges de la Confédération syndicale nationale et du PAIGC, un des partis politiques représenté au Parlement ; la destitution et le placement en détention du Président et du Vice-président de la Cour Suprême ; les menaces de dissolution du Parlement ; la mise à l’écart de certains éléments jugés modérés de la direction du parti politique au pouvoir (le PRS) ; et le refus de promulgation du nouveau texte constitutionnel voté par la quasi-totalité des députés siégeant à l’Assemblée Nationale Populaire.

Les poursuites dont sont victimes Messieurs Mane et Gomes s’inscrivent dans le cadre de cette radicalisation, violent manifestement la liberté d’association (article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme) et la Déclaration des Nations unies précitée. S’agissant de Fernando Gomes, actuellement responsable d’un parti politique d’opposition, ces poursuites visent sans aucun doute à le réduire au silence.
La FIDH considère par conséquent que la détention de Monsieur Mane est arbitraire et demande sa libération immédiate ainsi que la levée du mandat d’arrêt contre Monsieur Gomes.

Le Président de la République de Guinée-Bissau s’est engagé vis-à-vis des chargés de mission à remédier rapidement à cette violation. A défaut, la FIDH saisira les instances internationales compétentes, et notamment le Groupe de travail sur la détention arbitraire. Elle appelle la communauté internationale à intervenir auprès des autorités de Guinée Bissau afin qu’elles garantissent leur liberté d’action aux défenseurs des droits de l’Homme dans ce pays.

* La mission de la FIDH était en Guinée Bissau en vue de préparer l’organisation d’un séminaire de formation sur les droits de l’Homme, dans le cadre d’un programme soutenu par la Commission européenne et le Ministère français des Affaires étrangères.

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