Unanimement condamnée par la communauté internationale et sous le coup de sanctions de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine, la junte militaire qui avait pris le pouvoir le 12 avril 2012, a rapidement accepté la mise en place d’un gouvernement de transition civil, avec Manuel Serifo Nhamadjo comme président de la transition.
« Pourtant, la junte continue de détenir la réalité du pouvoir en s’imposant dans la gestion de la transition politique », a affirmé Me Sidiki Kaba, président d’honneur de la FIDH. « La communauté internationale avec en première ligne la CEDEAO l’Union africaine, et la Communauté des pays de langues portugaises (CPLP) doivent maintenir leurs efforts pour permettre au gouvernement de transition d’organiser des élections et garantir le retour à l’ordre constitutionnel et le respect des droits de l’Homme », a ajouté Me Sidiki Kaba.
Depuis le putsch militaire, la situation des droits de l’Homme en Guinée-Bissau est alarmante. En effet, arrestations et détentions arbitraires, restrictions des libertés d’expression, de manifestation et de circulation se sont multipliées.
Alors que Raimundo Perreira, ancien président par intérim et Carlos Gomes Jr, ancien premier ministre, ont finalement été libérés après 15 jours de détention arbitraire, le 9 mai, la junte frappait d’interdiction de sortie du territoire 58 personnes, principalement des membres du gouvernement déchu, des leaders politiques, des députés et des représentants de la société civile. Le gouvernement civil de transition a finalement abrogé cette interdiction au mois de juin.
Cependant, la FIDH et la LGDH s’inquiètent du recours excessif à la force dont font preuve l’armée et la police pour réprimer les manifestations pacifiques organisées par des associations de jeunes ainsi que par le FRENAGOLPE, le Front national anti-coup d’État qui réunit le Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde (PAIGC - parti au pouvoir avant le coup d’État), neuf autres partis d’opposition, des syndicats et des organisations de femmes et qui revendiquent le retour immédiat à l’ordre constitutionnel. Ainsi, le 25 mai 2012, la répression d’une manifestation organisée par le FRENAGOLPE devant les bureaux des Nations unies à Bissau s’est soldée par un blessé grave.
Enfin, nos organisations sont également extrêmement préoccupées par les menaces de mort répétées à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, notamment de M. Luis Vaz Martins, président de la LGDH ainsi que d’autres dirigeants de l’organisation. Depuis le coup d’État, plusieurs membres de la LGDH ont reçu des SMS, des appels anonymes et des menaces provenant même du Chef des forces armées, le général Antonio Indjai qui a menacé directement la LGDH, le 8 juin 2012.
Depuis 2008, la Guinée-Bissau connaît une recrudescence de violences : en 4 ans, le pays a connu 4 présidents, une mutinerie, une vague d’assassinats politiques, dont celui de l’ancien président Joao Bernardo Vieira, plusieurs tentatives de coup d’État et finalement le coup d’État d’avril 2012.
« La Guinée Bissau ne cesse de s’enliser dans la violence et l’instabilité. Une des clés pour mettre un terme aux souffrances de la population est de garantir le respect des droits humains en poursuivant les auteurs de crimes et autres violations afin de mettre fin à ce cycle d’impunité », a déclaré Luis Vaz Martins, président de la LGDH.
La FIDH et la LGDH demandent donc à la communauté internationale, notamment l’Union africaine, la CEDEAO, la CPLP et les Nations unies, à intensifier leurs efforts visant à ce que la junte militaire cesse toute immixtion dans les affaires politiques du pays. Nos organisations appellent par ailleurs les autorités de la transition :
- au respect de la feuille de route négociée avec la CEDEAO pour une transition apaisée aboutissant à des élections présidentielles et législatives libres, transparentes et indépendantes devant permettre un retour à l’ordre constitutionnel ;
- au respect des libertés fondamentales et notamment des libertés d’expression, de manifestation et de circulation conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme dont la Guinée-Bissau est partie ;
- à garantir pleinement la sécurité et l’intégrité physique et morale des populations civiles, des représentants politiques, des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes ;
- à lutter contre l’impunité des auteurs de violations des droits de l’Homme, en poursuivant et jugeant les auteurs des assassinats politiques perpétrés ces dernières années.