A la suite de l’annonce, le 31 août 2016, de la réélection du président sortant, Ali Bongo, par la commission électorale (Cenap) avec 49,80 % des suffrages devant son principal opposant Jean Ping qui aurait lui obtenu 48,23 %, des violences ont éclaté dans plusieurs parties de la capitale, Libreville, ainsi que dans d’autres localités du pays, notamment à Port Gentil, Lambaréné, Oyem et Bitam.
« Les acteurs politiques gabonais doivent appeler au calme et garantir la transparence des résultats de l’élection présidentielle. L’expression du suffrage des Gabonais doit être respectée et la communauté internationale doit y aider. On ne peut plus accepter de démocratie à intérêt variable en Afrique ou dans le reste du monde »
En milieu d’après midi, mercredi 31 août, quelques centaines de personnes ont tenté de manifester pour contester les résultats proclamés par la Cenap. Parallèlement, des barrages ont été improvisés dans plusieurs quartiers de la capitale par des éléments non identifiés, des scènes de pillages ont été observées, de même que l’incendie de plusieurs bâtiments, dont celui de l’Assemblée nationale. Un important dispositif composé de la garde républicaine, de l’armée, de la gendarmerie et de la police anti-émeute a été déployé dans la capitale. Les éléments ont dispersé les manifestants au moyen de gaz lacrymogène, de bombes assourdissantes et de canons à eau chaude. Ils auraient également fait usage de tirs à balles réelles. Dans la nuit du 31 août, le quartier général de campagne de M. Jean Ping, qui revendiquait la victoire depuis plusieurs jours, a violemment été pris d’assaut par la garde républicaine. 26 cadres du parti de l’opposant ont été retenus dans l’enceinte du quartier général pendant près de 36h avant d’être libérés. Au total, au terme de cinq jours de violences et de répression, on dénombre de nombreux blessés, de même qu’au moins 7 morts et, d’après le ministre de l’Intérieur, entre 800 et 1100 personnes arrêtées et détenues par les forces de l’ordre. Le 3 septembre, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Gabon, Me Jean-Pierre Akumbu M’Oluna, a affirmé que pour la seule ville de Libreville, 800 personnes avaient été arrêtées en trois jours et qu’elles étaient détenues « dans des conditions dégradantes et insupportables ». En outre, d’après les informations recueillies par nos organisations, plusieurs défenseurs des droits humains craignent aujourd’hui de faire l’objet de représailles pour s’être exprimés en faveur de l’alternance démocratique.
« Les acteurs politiques gabonais doivent immédiatement prendre la mesure des enjeux en cours et appeler leurs partisans respectifs à la retenue. Les autorités doivent quant à elles libérer les personnes arbitrairement détenues, faire la lumière sur les allégations d’usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre et s’assurer de la protection des défenseurs des droits humains. Elles doivent en outre garantir l’indépendance et l’impartialité des organes en charge du règlement des contentieux électoraux »
La contestation des résultats par l’opposition se cristallise en particulier sur l’écart marginal entre Ali Bongo et Jean Ping qui représente une différence de 5 594 voix, sur un total de 627 805 inscrits. Sont particulièrement critiqués, les résultats du Haut-Ogooué, province du sud-est du pays et fief de la famille Bongo, où le taux de participation aurait atteint 99,93 %, contre 59,4 % au niveau national et où les résultats officiels donnent 95,46 % des voix en faveur d’Ali Bongo. Les partisans de Jean Ping ont immédiatement contesté ces chiffres, dénoncé une fraude et déclaré la victoire de leur candidat. Dans une allocution prononcée le 2 septembre, Jean Ping s’est proclamé président du Gabon et a réclamé un recomptage des voix dans tous les bureaux de vote, bureau par bureau.
« Le droit des populations à choisir librement leurs dirigeants doit être respecté. Le manque de transparence et la fraude électorale dans le but de se maintenir au pouvoir sont les vecteurs de violence politique en Afrique. La communauté internationale doit garantir que le président qui sera reconnu est celui pour lequel les Gabonais ont voté ce qui permettra d’éviter que le pays ne sombre dans un chaos politique et sécuritaire. »
Nos organisations appellent la communauté internationale, et en particulier l’Union africaine et la CEMAC, à organiser d’urgence un sommet extra-ordinaire sur la situation prévalant au Gabon, élargis aux partenaires tels que les États-Unis, l’Union européenne et la France qui se sont déjà prononcés en faveur de mesures d’apaisement et de transparence, afin de contribuer au règlement du contentieux électoral, notamment en obtenant des autorités gabonaises la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote et, le cas échéant, le recomptage des voix en présence de représentants internationaux. Les partenaires internationaux du Gabon doivent par ailleurs enjoindre à l’État gabonais de respecter ses obligations internationales en matière de promotion de la gouvernance et des droits humains garantis notamment par l’Acte constitutif de l’UA, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ainsi que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG) qui souligne l’importance de consolider sur le continent une culture d’alternance politique fondée sur la tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes, conduites par des organes électoraux nationaux, indépendants, compétents et impartiaux.
Contexte
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« Mon vote doit compter »
Entre 2015 et 2018, 61 élections dont 30 élections présidentielles doivent se tenir dans 32 pays africains. Pour éviter les manipulations, fraudes et violences dues aux élections tronquées, la FIDH rassemble au sein de la Coalition #MonVoteDoitCompter une centaine d’organisations de la société civile, africaine et internationale, et de mouvements citoyens. Ensemble, nous exigeons des gouvernants qu’ils respectent le droit légitime des peuples à choisir librement leurs représentants à l’occasion d’élections régulières, libres, transparentes et apaisées.
A cette fin, les 18 et 19 juillet 2016, 30 organisations de la société civile et mouvements citoyens se sont réunis à Dakar pour discuter des processus électoraux en Afrique, à l’invitation de la FIDH et de la conférence des OING de l’OIF, et ont adopté une feuille de route pour le changement par les élections et réaffirmé leur implication dans la campagne #MonVoteDoitCompter comme cadre de mobilisation internationale.