Détention arbitraire de M. Farah Abadid Heldid - DJI 001 / 0212 / OBS 015

02/02/2012
Appel urgent

2 février 2012
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante à Djibouti.


Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de l’arrestation et de la détention de M. Farah Abadid Heldid, membre de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH).

Selon les informations reçues, le 1er février 2012 à 11 heures du matin, M. Farah Abadid Heldid a été arrêté par des gendarmes de la Section des recherches et de la documentation (SRD). A l’heure de diffuser cet appel urgent, ni son avocat, ni sa famille ni ses collègues ne connaissent les raisons de son arrestation ni le lieu de sa détention.

L’Observatoire s’inquiète pour son intégrité physique compte tenu des tortures subies aux mains de ce même département lors de son arrestation en février 2011, et craint fortement que cette arrestation ne vise à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme. L’Observatoire rappelle notamment que ce dernier a fait l’objet de multiples arrestations ces dernières années, et qu’une procédure judiciaire à son encontre ainsi qu’à l’encontre de M. Jean-Paul Noël Abdi, président de la LDDH, est toujours pendante (cf. rappel des faits).

L’Observatoire souligne par ailleurs que cette arrestation intervient dans un contexte de multiplication des arrestations de militants politiques et d’atteintes aux défenseurs des droits de l’Homme depuis la tenue de l’élection présidentielle à Djibouti en 2011.

L’Observatoire demande instamment la libération immédiate et inconditionnelle de M. Farah Abadid Heldid ainsi que l’abandon des poursuites à l’encontre des deux défenseurs, en ce qu’elles ne semblent viser qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme et ne semblent étayées par aucun élément de preuve valable.

En outre, l’Observatoire demande à ce que les personnes et les agents de l’Etat impliqués dans des cas de torture et de traitements dégradants et inhumains notamment à l’encontre de défenseurs des droits de l’Homme soient poursuivis en justice et sanctionnés selon les lois en vigueur et les normes et principes régionaux et internationaux applicables.

Rappel des faits [1] :

Le 5 février 2011, suite à une manifestation organisée le même jour par des étudiants et des lycéens contre la politique d’éducation du Gouvernement, M. Farah Abadid Heldid a été arrêté en l’absence de mandat par des éléments de la gendarmerie nationale alors qu’il se trouvait au siège du Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement (MRD), un parti membre de la principale coalition d’opposition. Conduit dans les locaux de la brigade de recherche de la gendarmerie nationale, à Djibouti-ville, il a été victime d’actes de torture et de mauvais traitements pendant quatre jours sans avoir accès à son avocat ni à un médecin.

Le 9 février 2011, après avoir rendu visite au procureur afin de s’enquérir sur la situation de son collègue, M. Jean-Paul Noël Abdi a à son tour été arrêté, sans qu’aucun mandat d’arrêt ne lui soit présenté par les agents de la gendarmerie nationale qui répondaient aux ordres du même procureur. Le jour même, MM. Noël Abdi et Abadid Heldid ont été déférés devant le parquet de Djibouti et accusés de “participation à un mouvement insurrectionnel” sur la base des articles 145 et 146.4 du Code pénal, qui prévoit jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 francs djiboutiens (environ 27 222 euros) [2]. Ils ont ensuite été placés sous mandat de dépôt et détenus à la prison de Gabode.

Suite à un malaise le 17 février, M. Nöel Abdi, qui souffre de diabète et de problèmes cardiaques, a été libéré le 21 février sous contrôle judiciaire pour raisons de santé. Le 22 mars 2011, la juge d’instruction a accepté la demande de mainlevée qui avait été introduite par son avocat. Le 27 mars, le procureur a fait appel de cette décision. Le 31 mars 2011, la Cour d’appel a finalement confirmé la levée du contrôle judiciaire à son encontre.

Le 23 juin 2011, M. Farah Abadid Heldid a été placé en liberté provisoire.

A ce jour, les charges à l’encontre de MM. Noël Abdi et Abadid Heldid restent pendantes.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie d’intervenir auprès des autorités de Djibouti et de leur demander de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Farah Abadid Heldid, ainsi que de M. Jean-Paul Noël Abdi et de tous les défenseurs des droits de l’Homme djiboutiens ;

ii. Informer l’avocat et la famille de M. Farah Abadid Heldid du lieu et des raisons de son arrestation et permettre l’accès de son avocat ;

iii. Libérer de manière immédiate et inconditionnelle M. Farah Abadid Heldid, en ce que sa détention ne semble viser qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement - y compris judiciaire - à l’encontre de MM. Farah Abadid Heldid et Jean-Paul Noël Abdi, ainsi qu’à celle de tous les défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti, afin qu’ils puissent mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son :

 article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

 article 6(b), qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances su tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales”

 article 12.2, qui dispose que “l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la [...] Déclaration ” ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Djibouti.


Adresses :

· Son Excellence Ismail Omar Guelleh, Président de la République, Palais Présidentiel, BP 6, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 35 50 49 / 00 253 35 02 01.

· Monsieur Ali Farah Assoweh, Ministre de la Justice, des affaires pénitentiaires et musulmanes, chargé des droits de l’Homme, BP 12, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 35 54 20

· Monsieur Maki Omar Abdoulkader, Procureur de la République, Tel / Fax : 00 253 35 69 90. Email : likmik@caramail.com.

· Ambassadeur Mohamed Siad Doualeh, Mission permanente de Djibouti auprès de l’Office des Nations unies à Genève, 19 chemin Louis Dunant, 1202 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 749 10 91. Email : mission.djibouti@djibouti.ch

· Ambassade de Djibouti à Bruxelles, 204 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : + 32 2 347 69 67, Fax : + 32 2 347 69 63 ; Email : amb_djib@yahoo.fr

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Djibouti dans vos pays respectifs.

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