Cameroun : Interdiction de diffusion du film documentaire "L’affaire Chebeya, un crime d’Etat ?"

03/07/2013
Appel urgent

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Cameroun.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de source fiable de l’interdiction de diffusion sur l’ensemble du territoire du Cameroun du film documentaire « L’affaire Chebeya, un crime d’État ? » réalisé par le journaliste et réalisateur belge M. Thierry Michel, qui retrace la procédure judiciaire ouverte à l’encontre de plusieurs membres des forces de l’ordre suspectés du double assassinat de MM. Floribert Chebeya Bazire, directeur exécutif de la Voix des sans voix (VSV) et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, et Fidèle Bazana Edadi, membre et chauffeur de la VSV, en juin 2010.

Selon les informations reçues, le 2 juillet 2013, la veille de son départ, M. Thierry Michel a été informé par M. Bassek ba Kobhio, fondateur du festival Ecrans Noirs de Yaoundé (Cameroun), qui se déroule actuellement du 29 juin au 6 juillet 2013, qu’il serait immédiatement refoulé dès son arrivée par la police des frontières, malgré un visa en bonne et due forme délivré par l’Ambassade du Cameroun à Bruxelles, donné sur base de l’invitation officielle du festival, suite à l’interdiction de diffusion de son film par les autorités camerounaises.

« L’affaire Chebeya, un crime d’État ? », qui figurait (dans la catégorie "Films étrangers") sur la liste officielle des films en compétition à la 17ème édition du festival Écrans noirs, a été supprimé du programme distribué à l’ouverture du festival. Le festival a soumis ce film, en même temps que d’autres, à la Commission nationale de contrôle des films cinématographiques et des enregistrements sonores, dite « Commission de censure », pour visa d’exploitation. Le 26 juin, la commission, présidée par la ministre des Arts et de la Culture, Mme Ama Tutu Muna, a décidé d’interdire le film. D’après les informations reçues, un recours gracieux aurait été introduit auprès de la ministre. Le 2 juillet 2013, la commission aurait informé le festival que l’interdiction du film aurait été levée.

Le festival aurait néanmoins décidé de ne pas projeter le film pendant le festival mais « dans un proche avenir et dans un contexte plus apaisé, en présence du réalisateur ». Le réalisateur reste dans l’attente du visa d’exploitation du film.

L’Observatoire rappelle que ce film a déjà été interdit de diffusion en République démocratique du Congo en 2012. Le réalisateur avait même été refoulé le 8 juillet 2012 à l’aéroport de Kinshasa où il comptait présenter son film lors d’une projection privée du film[1].

L’Observatoire dénonce vivement ces faits et cette menace de refoulement en ce qu’ils ne visent qu’à sanctionner les activités de libre expression de M. Thierry Michel, dont l’objet est de contribuer à l’établissement des faits et de toutes les responsabilités dans le double assassinat de MM. Chebeya et Bazana[2].

L’Observatoire espère que le film pourra être présenté en compétition dans le cadre du festival et que Thierry Michel pourra retourner prochainement présenter son film au Cameroun.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités camerounaises en leur demandant de :

i. Garantir la diffusion du film « L’affaire Chebaya, un crime d’État ? » sur l’ensemble du territoire du Cameroun et, de manière générale, le respect de la liberté d’expression des défenseurs des droits de l’homme et, en particulier, ceux participant à la lutte contre l’impunité ;

ii. Garantir en toutes circonstances la liberté de mouvement de M. Thierry Michel et de tous les défenseurs des droits de l’Homme depuis et vers le Cameroun, conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :
 son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
 son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ; c) D’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question” ;
 et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration”.

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Cameroun.

Adresses :

· M. Paul Biya, Président de la République, Présidence de la République, Palais de l’Unité, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax +237 222 08 70
· M. Philémon Yang, Premier ministre et Chef du gouvernement, Primature du Cameroun, Fax : +237 22 23 57 35 et courriel : spm@spm.gov.cm
· Mme Ama Tutu Muna, Ministre des Arts et de la Culture, BP 7161, Yaoundé, Cameroun ; Fax (+237) 22 22 65 79
· M. Laurent Esso, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax : + 237 223 00 05
· M. Alain Edgard Mebe Ngo’o, Ministre Délégué à la Présidence de la République chargée de la Défense B.P1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax +237 223 59 71
· M. SADI René Emmanuel, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Fax : + 237 222 37 35
· Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL), Tel : +237 222 61 17, Fax : +237 222 60 82, E-mail : cndhl@iccnet.cm
· Mission permanente de la République du Cameroun auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, rue du Nant 6, 1207 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 736 21 65, Email : mission.cameroun@bluewin.ch
· Ambassade de la République du Cameroun à Bruxelles, 131 av. Brugmann, 1190 Forest, Belgium, Tel : + 32 2 345 18 70 ; Fax : + 32 2 344 57 35 ; Email : embassy@cameroon.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Cameroun dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 3 juillet 2013

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Cf. appels urgents de l’Observatoire COD 004 / 0412 / OBS 032 et COD 006 / 0712 / OBS 068, diffusés les 11 avril et 10 juillet 2012.
[2] Pour plus d’informations, cf. communiqué de l’Observatoire diffusé le 14 mai 2013.

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