Le 26 avril 2015, les premières manifestations populaires pour s’opposer à l’annonce du président burundais de briguer un troisième mandat étaient réprimées dans le sang. Cette répression marquait le début d’un cycle de violences conduisant progressivement à une campagne d’élimination systématique des opposants, supposés et réels . En deux ans, plus de 1 200 personnes auraient été tuées, entre 400 et 900 auraient été victimes de disparitions forcées, plusieurs centaines voire des milliers auraient été torturées, plus de 10 000 seraient encore détenues arbitrairement. On compte aujourd’hui plus de 400 000 personnes réfugiées dans les pays voisins. Ces violations, dont certaines pourraient relever de crimes internationaux, demeurent largement impunies.
En novembre 2016, la FIDH et la Ligue ITEKA publiaient un rapport, fruit d’une enquête de terrain, alertant sur « les dynamiques génocidaires » de la répression en cours [1]. Alors qu’il est désormais quasi-impossible aux observateurs indépendants – ONG et journalistes notamment – d’accéder au pays, le rapport publié aujourd’hui dresse un constat alarmant des évolutions des derniers mois.
Toutes les composantes de l’appareil d’État et de la société civile sont soumises aux mêmes dynamiques répressives, orchestrées par un régime obsédé par la conservation du pouvoir à tout prix. Le paysage politique s’est resserré autour d’un parti unique, le CNDD-FDD, devenu un parti exaltant un discours de plus en plus guerrier et paranoïaque. Les médias indépendants sont censurés ou bloqués. Les opposants politiques sont systématiquement traqués, persécutés, fréquemment assassinés. Les défenseurs des droits humains et les journalistes indépendants muselés. L’armée est l’objet d’une campagne de purge et d’élimination exacerbant les tensions politico-ethniques au sein de ce corps profondément divisé.
La milice Imbonerakure, dont le rôle dans la répression s’est considérablement accru, demeure le fer de lance du régime. La récente divulgation de vidéos en avril et mai 2017 montrant des dizaines de ses membres entonnant des chants appelant au viol des opposantes a, pour une fois, été médiatisée. Toutefois, le rapport démontre qu’il ne s’agissait pas d’appels isolés, mais d’exemples parmi d’autres de la radicalisation idéologique de cette milice. Ce conditionnement est de plus couplé à un entraînement, une militarisation et une structuration qui semblent s’accroître. Une loi votée par l’Assemblée nationale en décembre 2016 pourrait leur conférer le statut de forces de réserve alors même que cette milice serait aujourd’hui responsable de graves violations (meurtres, viols, disparitions forcées, torture notamment) qui pourraient relever de crimes internationaux.
Dans ce contexte, nos organisations appellent la communauté internationale à prendre la mesure de la gravité de la situation prévalant au Burundi. Nos organisations appellent la Cour pénale internationale à ouvrir, dans les plus brefs délais, une enquête sur les crimes de sa compétence commis au Burundi depuis avril 2015, afin d’identifier et poursuivre leurs principaux auteurs, de prévenir ainsi de nouveaux crimes et de donner aux victimes justice et réparation. Nos organisations demandent également à l’Union africaine et aux Nations unies de coordonner leurs efforts pour :
• mettre en œuvre un mécanisme de protection des populations civiles, conformément aux recommandations du présent rapport ;
• relancer le processus de dialogue politique – au point mort depuis deux ans – ;
• imposer un embargo sur les armes ;
• adopter de nouvelles sanctions individuelles à l’encontre des responsables burundais et de tout individu contribuant aux violences et/ou entravant la reprise du processus de dialogue politique.
Contexte
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