Alerte en Eswatini : assassinat de Thulani Maseko après les menaces du dernier monarque absolu d’Afrique

Gianluigi Guercia / AFP

24 janvier 2023. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) est profondément attristée et indignée par l’assassinat, le 21 janvier 2023, de Thulani Rudolf Maseko, un camarade de longue date et un fervent défenseur des droits humains en Eswatini. Sa mort tragique est intervenue peu de temps après que le roi Mswati III, monarque absolu du pays depuis 1986, ait proféré des menaces vantant la perspective que celles et ceux qui s’opposent à lui soient tué·es par des mercenaires. L’ONG internationale estime que ce meurtre doit être un signal d’alarme, si des doutes subsistaient encore sur la véritable nature du règne du monarque absolu.

Choc et colère : c’est ce qu’a ressenti l’ensemble du mouvement des droits humains à travers le monde. La Fédération Internationale pour les droits humains (FIDH) et tou⋅tes ses membres souhaitent exprimer leurs profondes condoléances après que Thulani Rudolf Maseko ait été assassiné chez lui, devant sa famille, par un inconnu armé le samedi 21 janvier 2023. En tant que membre clé de la société civile d’Afrique australe, avocat des droits humains et publiquement opposé au système de gouvernement monarchique absolu, M. Maseko a collaboré à de nombreuses reprises avec la FIDH, ses membres et ses délégations dans la région. Il a partagé ouvertement son combat avec la fédération internationale qui, à son tour, a suivi son travail tout en surveillant la répression et les représailles auxquelles il a été confronté.

La FIDH est profondément préoccupée par le fait que l’assassinat a été précédé par les déclarations et remarques publiques du roi quelques heures auparavant, menaçant de représailles les militant·es. La réalité que la communauté internationale doit accepter lorsqu’elle traite avec l’Eswatini est que de telles violations graves des droits humains et un assassinat politique pur et simple semblent avoir été incités par le Roi. Quelques heures avant le meurtre de sang-froid de l’avocat des droits humains internationalement respecté, le roi Mswati III a déclaré que « personne ne devrait verser de larmes ou se plaindre si des mercenaires les tuent ». Dans le même discours, il a ajouté : « Ces personnes ont démarré les violences en premier, mais lorsque l’État met en place une répression à leur encontre, elles font beaucoup de bruit pour blâmer le roi Mswati de faire appel à des mercenaires ». Avec de tels propos venant du roi lui même, la conclusion inéluctable à laquelle beaucoup aboutissent est que le meurtre pourrait être des représailles contre les militant⋅es des droits humains pour avoir exprimé des voix dissidentes ou une opposition politique.

La monarchie absolue a donné lieu aux pires abus de pouvoir et violations des droits humains.

« C’est indigne d’un personnage public et d’un monarque, que les menaces du roi aient été un avertissement malencontreux ou l’expression de quelque chose de plus sombre, se complaisant dans le rôle de messager de la mort. »

Alice Mogwe, Présidente de la FIDH

« Je pleure Thulani Maseko en tant qu’ami, je l’honore en tant que collègue dans le grand combat pour la démocratie, les droits humains et la liberté. Je joins mon appel à ceux de mes collègues et camarades du monde entier. Nous demandons une enquête pour révéler les responsables de cette terrible tragédie  », a déclaré Alice Mogwe, Président e de la FIDH.

Le combat de Thulani Maseko pour la démocratie et les droits humains lui ont valu des démêlés répétés avec les autorités. Il a subi plusieurs épisodes de détention arbitraire, mais cela ne l’a pas empêché de poursuivre le roi Mswati III en justice pour avoir changé le nom du pays de Swaziland à Eswatini. Ce changement était irrégulier et anticonstitutionnel, selon lui, et symbolisait l’arbitraire du roi, culminant dans les manifestations réprimées mortellement en 2021. Thulani Maseko a courageusement pris la défense des victimes, plaidant pour les manifestant⋅es arrêté⋅es devant les tribunaux et s’assurant que des dispositions soient prises pour garantir leur droit à un procès équitable dans lequel leurs droits fondamentaux seraient protégés.

La FIDH demande une enquête exhaustive, indépendante et supervisée par la communauté internationale sur l’assassinat de Thulani Maseko, afin de traduire en justice leurs auteur⋅es et leurs commanditaires, quelle que soit leur position dans la société. Elle exhorte également les partenaires internationaux de l’Eswatini à reconsidérer leur approche et à prendre des décisions urgentes et concrètes pour la résolution de la crise politique et des droits humains en Eswatini, par un dialogue inclusif. La FIDH appelle la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) à placer la lutte contre l’impunité pour les violations graves des droits humains au cœur de leur collaboration avec les autorités d’Eswatini.

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