Intervention de la FIDH sur la situation générale des droits de l’Homme en Afrique

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les Commissaires,

La FIDH souhaite en premier souligner en ce trentième anniversaire de la Charte africaine des
droits de l’Homme et des peuples des avancées importantes en terme de protection des droits ces
derniers mois. Ainsi, l’élection d’une assemblée constituante en Tunisie, la continuité des
poursuites judiciaires contre des tenants de l’ancien régime en Égypte, la marche vers l’abolition
de la peine de mort au Benin, l’alternance démocratique dans le calme en Zambie, la fin d’une
dictature de 40 ans en Libye.

Mais ces évènements positifs ne cachent pas les points sombres. Notamment la persistance de
situations de conflit où les droits les plus fondamentaux comme le droit à la vie, l’interdiction de la
torture, le droit à une justice indépendante et effective, sont piétinés.

C’est le cas en Somalie, où la guerre civile martyrise toujours la population civile en proie à
l’exode forcé pour se protéger des combats et exacerbe une situation de famine abominable.

C’est le cas également au Soudan où une guerre est engagée au Sud-Kordofan entre l’armée
nationale et l’Armée populaire de libération. La tension issue de la réélection contestée du
gouverneur Ahmed Haroun, ancien ministre chargé des affaires humanitaires qui fait l’objet d’un
mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour, a fini par
aboutir à un conflit, sans qu’aucun accès humanitaire ne soit autorisé. Des informations font état
de bombardements à l’aveugle causant de nombreuses victimes parmi la population civile,
d’exécutions sommaires, de pillages, et de destruction de biens. Cette description de l’horreur se
répète en tous points dans la région du Nile Bleu. Deux régions, le sud Kordofan et le Nile Bleu
délaissées par les autorités centrales de Khartoum en dépit des préconisations de l’Accord global
de paix. La FIDH recommande à la Commission de mener dans les plus brefs délais dans ces
régions une mission de protection en coopération avec les organes concernés de l’Union africaine.

Les conflits au Nord de la Centrafrique, à l’est de la RDC et en Libye sont tout autant de situations
de totale insécurité pour la population civile ou de graves violations des droits de l’Homme ont été
commises par toutes les parties.

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les Commissaires,

Si l’exercice démocratique a pu en ce début d’année se dérouler normalement dans certains pays,
les périodes électorales constituent toujours des moments de grande tension et d’instabilité dans
de nombreux autres. A cet égard, les prochaines élections en RDC, au Zimbabwe, mais aussi au
Sénégal, sont sources d’inquiétude et appellent à la vigilence répétée de la communauté
internationale, notamment de votre institution.

De même, une attention particulière doit être donnée aux situations post-crises pour aider à la
consolidation des principes démocratiques, de la justice et la réconciliation. C’est évidemment le
cas aujourd’hui de la Tunisie, de la Libye et de l’Egypte qui après s’être affranchis courageusement
des dictatures du passé doivent désormais se doter de régimes respectueux des droits humains.
Ceci passera par l’éloignement des fanatismes de tous ordres, la participation responsable des
partis politiques, des changements institutionnelles d’ampleur et la réforme de l’armée et des
forces de sécurité. La société civile et votre institution doivent contribuer à ce mouvement vers la
liberté.

C’est aussi le cas de la Guinée et de la Côte d’Ivoire où les dirigeants et les partis politiques ont un
rôle essentiel à jouer dans la reconstruction de ces pays meurtries par les crises passées, en
sortant notamment des référents ethnique, géographique ou religieux pour mener à la
réconciliation nationale.

Le Forum des ONG a adopté plusieurs résolutions sur ces situations que nous souhaitons voir
endossées par la Commission.

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les Commissaires,

La lutte contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves est un des moyens primordiaux
de sanction et de prévention des violations. Une justice indépendante doit pouvoir s’exercer pour
juger les crimes d’Hissène Habré, les auteurs du massacre du 28 septembre en Guinée, les
responsable des crimes internationaux en RCA, au Kenya, en RDC et au Soudan... Si cette justice effective et efficace n’existe pas, alors les victimes et les associations qui les soutiennent ont
raison de se tourner vers la CPI. Si elles le font, c’est qu’elles estiment que leurs représentants ont
failli dans leur responsabilité première de répondre au droit à la justice. Toute comme il est normal
d’exiger que la CPI soit réellement universelle et qu’elle puisse juger les auteurs des crimes les
plus graves commis hors du continent Africain.

Enfin, s’agissant des violations des droits de la Charte africaine n’ayant pas peur de dire « Y’en a
marre », « Touche pas à ma nationalité », « Touche pas à ma Constitution » ou « Ca suffit comme
ça ». Ces slogans sont portés par des manifestations pacifiques protestant contre la chèreté de la
vie et/ou réclamant le respect des principes démocratiques et des libértés fondamentales
organisées au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, à Djibouti, au Gabon, ou encore au
Malawi, et qui sont sévèrement réprimées par les forces de l’ordre. Cette attitude méprisante et
autoritaire des autorités prouvent la réalité des revendications et doivent faire réagir la
Commission.

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les Commissaires,

Nous ne pouvons célébrer les 30 ans de notre Charte sans mentionner votre travail pour la
promotion et la protection des droits. Celui-ci a permis des avancés incontestables et nous
profitons de ce moment particulier pour vous demander de continuer à toujours aller de l’avant en
affirmant votre indépendance, en adoptant plus de résolutions condamnant la violation des droits
dans tel ou tel pays, en ayant les moyens de contrôler le respect de vos décisions et en vous
montrant progressiste quant à la protection des droits notamment liés à un environnement sain, à
l’orientation sexuelle ou à la responsabilité des entreprises.

Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les Commissaires,

Nous vous remercions

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