Intervention de la FIDH sur la situation générale des droits de l’Homme en Afrique

Forum de participation des ONG précédant la 41ème session ordinaire
de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

12 au 14 mai 2007 à Accra

Intervention de Maître Sidiki Kaba, Président d’Honneur de la FIDH

I - Situations de très grande préoccupation qui nécessitent une intervention de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

Au Soudan, plus de 200 000 personnes ont été tuées au Darfour depuis 2003 en raison des combats entre l’armée soudanaise, les milices appuyées par le gouvernement et les groupes rebelles provoquant le dépplacement forcé d’environ deux millions de personnes à l’intérieur de leur propre pays ou les contraignants à chercher refuge au delà de la frontière, au Tchad.

L’escalade de la violence au Darfour a été particulièrement marquée en 2006 et s’est poursuivie en 2007 et ce en dépit de l’Accord de Paix du Darfour du 5 mai (APD) 2006, conclu au Nigeria entre Khartoum et un groupe de rebelles soudanais - le Mouvement de Libération du Soudan (MLS). La régionalisation du conflit, notamment les mouvements d’armes et de miliciens des deux côtés de la frontière entre le Tchad et le Soudan, et les connexions entre les combats au Darfour, les troubles au Tchad et la situation en République Centrafricaine, entraînent une augmentation des violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire dans ces pays.

La FIDH et ses organisations membres sont particulièrement préoccupées par les rapports quotidiens de ces graves violations perpétrées au Darfour, y compris les viols, actes de torture, mutilations, attaques brutales contre des civils et pillages systématiques. Cette situation est d’autant plus dramatique que les attaques dont fait l’objet le personnel humanitaire ont entraîné le départ d’organisations internationales, privant de ce fait des millions de personnes d’accès aux produits de première nécessité, tels que l’eau, la nourriture, les soins médicaux et les abris, alors que leur survie dépend de cette aide.

Face à ces violations massives, les Forces de Maintien de la Paix de l’Union Africaine (MUAS) stationnées au Darfour n’ont pas été capables à elles seules de garantir la sécurité des civils et du personnel humanitaire qui tentait de porter secours au grand nombre de victimes.

Saisie de cette situation, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (CPI) a délivré le 3 mai 2007 ses deux premiers mandats d’arrêt dans le cadre de l’enquête menée actuellement sur les crimes internationaux commis au Darfour. [1] Ahmad Muhammad Harun (Ahmad Harun), ancien ministre de l’intérieur et actuel ministre chargé des affaires humanitaires du gouvernement soudanais, et Ali Muhammad Al Abd-Al-Rahman (alias Ali Kushayb), l’un des chef des milices Janjaouid, sont accusés de 51 chefs d’accusation de meurtres, viols, actes de torture et autres crimes graves commis à l’encontre de la population civile, qui seraient constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La Cour insiste également sur les liens de complicité entre l’ancien ministre de l’intérieur et les milices Janjaouid. Ces inculpations démontrent l’implication et le rôle des autorités soudanaises dans la crise au Darfour comme n’ont cessé de le dénoncer les ONG depuis l’année 2003.

Par conséquent, la CADHP doit appeler les parties à mettre pleinement en oeuvre l’Accord de Paix du Darfour, et se joindre aux efforts menés par le Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir du Soudan l’autorisation d’un déploiement plus conséquent d’une force de maintien de la paix de l’ONU, et appeler au renforcement des moyens de la MUAS afin que cette dernière puisse protéger les civils jusqu’à la mise en place d’une force onusienne capable de protéger effectivement les populations civiles. Par ailleurs, la CADHP doit demander aux autorités soudanaises de coopérer avec la Cour pénale internationale pour lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves en complémentarité avec ses juridictions nationales, notamment en remettant à immédiatement Ahmad Harun et Ali Kushayb, et en permettant au Bureau du Procureur de se rendre au Darfour pour poursuivre ses enquêtes.

En République Centrafricaine, la situation sécuritaire est extrèmement précaire dans le nord-ouest du pays, notamment dans les régions de Ouham et de Ouham-Pende. La population civile fait face à une véritable crise humanitaire. Les attaques quasi quotidiennes entre éléments armés rebelles et les troupes centrafricaines sont perpétrées en violation du droit international humanitaire : des témoignages font état d’exécutions sommaires, de violences sexuelles, de pillages systématiques. De nombreux villages sont incendiés. Les témoignages font porter la responsabilité de ces crimes tant sur les éléments des groupes rebelles que les membres des forces armées centrafricaines « FACA », particulièrement les éléments de la garde présidentielle.

Le nord-est de la RCA a également été le théâtre d’affrontements violents, notamment en novembre 2006 et mars 2007 entre forces rebelles et l’armée centrafricaine appuyée par les militaires français. Les combats sont menés en violation du droit international humanitaire, entraînant la mort de nombreux civils. Présent à Birao le 21 mars 2007, le coordinateur humanitaire de l’ONU en RCA a déclaré : « jamais auparavant, l’ONU n’a vu une ville de la République Centrafricaine avec 70% de ses maisons brulées et désertée par 95% de la population ». Le 4 avril 2007, John Homes, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, rendait compte devant le Conseil de sécurité de la situation en ces termes : « dans un des pays les plus pauvres du monde, où un million d’habitants dépendent déjà de l’aide humanitaire, les récents combats entre les groupes rebelles et l’armée ont causé le déplacement de 212.000 personnes supplémentaires cette année, outre les 70.000 réfugiés au Tchad et au Cameroun ».

Les milliers de victimes qui portent les stigmates de ce pays livré à la violence (femmes, enfants et personnes âgées violés, enfants nés des viols, personnes atteintes du virus du Sida, personnes amputées, orphelins, membres de la famille assassinés, sous-alimentation...) sont atteintes dans leur intégrité physique et morale, en ce qu’elles souffrent doublement de leur stigmatisation au sein de la société centrafricaine et de l’indifférence générale quant à leur situation d’extrême détresse physique, sociale et économique. [2]

Au travers de ses missions d’enquête régulières sur le terrain, la FIDH à mis en lumière que la plupart des acteurs de l’actuel conflit en RCA sont les mêmes que ceux présumés hauts responsables des crimes commis en 2002 et 2003 contre la population civile à l’occasion de la tentative de coup d’Etat et la prise du pouvoir du général Bozizé, démonstration probante des ravages de l’impunité. En avril 2006, la Cour de cassation, elle-même a déclaré les juridictions centrafricaines "incapables" de mener des enquêtes et des poursuites contre les auteurs des crimes les plus graves commis sur le territoire centrafricain à l’occasion de la tentative de coup d’Etat et a renvoyé cette affaire devant la Cour pénale internationale, déjà saisie de cette situation par l’Etat centrafricain en décembre 2004.

En l’absence de toute position antérieure de la CADHP sur la RCA, la Commision doit adopter d’urgence une résolution condamnant les violations graves du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme commises par les belligérants contre la population civile en RCA ; et demandant aux autorités nationales de mettre tout en oeuvre pour que les responsables des crimes les plus graves soient poursuivis et jugés ; que les défenseurs des droits de l’Homme et les victimes, notamment les membres de l’Organisation pour la compassion des et le développement des familles en détresse (OCODEFAD), soient respectés dans leur intégrité physique et morale et soutenus ; que dans l’hypothèse de l’ouverture d’une enquête sur la situation en RCA par le procureur de la Cour pénale internationale, les autorités centrafricaines ccopèrent pleinement avec la Cour.

Au Zimbabwe, l’Union africaine (UA), par le biais de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, et les Nations unies (ONU) par le biais de l’Envoyée spéciale pour les questions relatives aux établissements humains, Anah Tibaijuka, ont conclu à l’existence de violations systématiques des droits de l’Homme par le gouvernement du Zimbabwe et ont émis de nombreuses recommandations afin d’aider le Zimbabwe à mettre un terme à ces violations et à se conformer à ses obligations internationales en matière de droits de l’Homme. Néanmoins, le gouvernement du Zimbabwe a largement ignoré les recommandations de ces organes supranationaux.

Le gouvernement du Zimbabwe n’a mis en oeuvre aucune des 6 résolutions adoptés par l’UA ni celles prises par l’ONU notamment afin de créer les conditions : d’un dialogue national et d’une réconciliation, d’un environnement propice à la démocratie et aux droits de l’Homme, permettant l’existance d’institutions nationales indépendantes, la restauration de l’indépendance du judiciaire, la mise en place d’une police professionnelle et apolitique ainsi que la restauration d’une presse libre essentielle pour la démocratie.

Au contraire, les autorités zimbabwéennes ont poursuivi leur politique d’anihilement de toute opposition et de la société civile indépendante, notamment des défenseurs des droits de l’Homme. Ainsi, le 22 mars 2007, les services secrets zimbabwéens ont établi une liste de personnes à abattre comprenant des défenseurs des droits de l’Homme, en particulier M. Arnold Tsunga, directeur exécutif du Zimbabwe Lawyer for Human Rights (ZLHR), vice-président de la FIDH et membre de la Zimbabwe Human Rights Association (ZimRights), M. Lovemore Madhuku, président du National Constitutional Assembly (NCA), M. Raymond Majongwe, secrétaire général du syndicat Progressive Teachers’ Union of Zimbabwe ; comprenant des opposants politiques (M. Morgan Tsvangirai, président du principal parti d’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique - MCD) ; et comprenant des journalistes indépendants (MM. Gift Phiri and Wilf Nyarota, du journal The Zimbabwean). Cette note, signée du Commandant Eno des services secrets zimbabwéen ( Central Intelligence Organisation), mentionne que « ces personnes constituent un risque en matière de sécurité » et ordonne que leur exécution « soit confiée au Zimbabwe Intelligence Corps (ZIC) and Zanu PF Security Hit Squad » c’est-à-dire le Service zimbabéen de renseignements et l’Unité de frappe et de sécurité du Zanu PF, le parti au pouvoir. [3]

L’augmentation des attaques, des tortures et des violences à l’encontre des personnes et des organisations considérées par le pouvoir comme des opposants, s’inscrit dans la perspective de la préparation des élections prévues en 2008.

Par conséquent, la CADHP au moment d’examiner le rapport de l’État zimbabwéen, doit adopter une résolution condamnant les graves atteintes aux droits de l’Homme qui perdurent au Zimbabwe depuis plusieurs années, exigant l’arrêt immédiat de la persécution systématique et prolongée des défenseurs des droits de l’Homme, demandant au gouvernement du Zimbabwe de prendre des mesures publiques, visibles et transparentes dans le cadre d’un calendrier public pour garantir le respect des recommandations de l’UA et de l’ONU.

Lutter contre une impunité persistante en Afrique

En Côte d’Ivoire, si les accords de Ouagadougou semblent avoir permis de débloquer la situation politique, l’amnistie décrétée par le Président ivoirien le 12 avril 2007 vient renforcer un processus d’impunité au nom de la réconciliation nationale. [4] L’ordonnance 2007-457 amnistie les infractions connexes commises en Côte d’Ivoire entre le 17 septembre 2000 et le 12 avril 2007. La portée juridique de cette amnistie semble cependant limitée puisque, en principe, les crimes internationaux tout comme les infractions économiques et les infractions contre les personnes et les biens, tels que les assassinats, les viols, les vols et les violences commis en grand nombre au cours de la période, ne sont pas compris dans son champ d’application. Il n’en demeure pas moins que de nombreuses victimes se voient ainsi privées de leur droit inalénable à la justice, et que les responsables des exactions amnistiés risquent de na pas avoir à rendre compte de leurs actes.

A peine trois mois avant, la FIDH et ses organisations membres en Côte d’Ivoire, la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) et le Mouvement ivoirien des droits de l’Homme (MIDH), avaient déjà dénoncé fermement une autre amnistie1 : le protocole d’accord signé le 13 février 2007 par l’Etat de Côte d’Ivoire et la société Trafigura, affréteur du navire Probo Koala qui a déversé plus de 520 m3 de déchets toxiques à Abidjan en août 2006. Renonçant définitivement à toutes poursuites réciproques et niant leurs responsabilités respectives, les parties signataires, par cet accord, avaient déjà aggravé le climat d’impunité qui règne dans cette affaire.

Une nouvelle fois, l’État prive des centaines de vicitmes de leur droit à la vérité, la justice et à des réparations justes et équitables. La FIDH est donc préoccupée par les répercutions de ces amnisties dans l’avenir, car il ne peut y avoir de réconciliation véritable sans la vérité et la justice, conditions préalables à une paix juste et durable.

En Guinée-Conkry, le régime de Lansa Conté s’est ébranlé sous les protestations pacifiques du peuple guinéen. La répression arbitraire des manifestations de janvier et de février 2007 aurait fait près de 120 morts et des centaines de blessés. Les forces de sécurité et les forces armés guinénennes ont bafoué les principaux principes de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et des autres textes fondamentaux des droits de l’Homme : notamment le respect et la protection, en toute circonstance, de l’intégrité physique des populations ; la liberté de manifestation pacifique ; la liberté d’information, d’opinion et d’expression ; de circulation. En outre, la Charte africaine ne prévoit pas de dérogations aux droits et libertés qu’elle garantit et ces derniers doivent donc être respectés, même en temps de crise et de conflit. L’instauration de l’État d’urgence pour faire face à une situation que les forces armées guinéennes ont elles-mêmes contribué à créer en réprimant dans le sang les premières contestations pacifiques ne pouvait donc être qu’illégale et illégitime.

Malgré les demandes répétées de la FIDH, de ses ligues en France et en Guinée, de l’Inter Syndicale Guinéenne (ISG) et de la Confédération syndicale internationale (CSI) pour la mise en place d’une commission indépendante et/ou l’envoi d’une mission d’enquête internationale indépendante afin de faire la lumière sur l’ampleur de la répression, d’identifier les auteurs de ces crimes et d’établir leurs responsabilités aux fins de poursuites judiciaires, le gouvernement guinéen n’a procédé à aucune arrestation et aucune investigation sérieuse.

La CADHP qui s’est prononcée par un appel de la présidente sur la situation des droits de l’Homme en Guinée-Conakry doit restée saisie de cette question et se pencher sur « l’épidémie » des lois d’amnésties contractée par les États parties à la Charte africaine en vue de s’exonérer eux-mêmes en tant qu’État ou leur ressortissants de la responsabilité de leurs actes et de leurs crimes.

II - Domaines de mobilisation des ONG :

1. Investir le terrain de la justice

Agir auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour lutter contre l’impunité

L’impunité étant un des dénominateurs communs aux situations de graves violations des droits de l’Homme, la FIDH souligne l’essentielle activité des ONG dans le champ judiciaire et quasi judiciaire en soutien des victimes aux fins d’oeuvrer au respect du droit à la justice et à la réparation et à l’établissement d’une paix durable. A la veille de l’ouverture du procès de Charles Taylor, la mobilisation de la société civile dans cette affaire a été exemplaire dans sa réussite et sa contribution au renforcement de l’Etat de droit sur le continent.

Cette mobilisation de la société civile doit être la même auprès de la CPI qui connaît aujourd’hui cinq situations qui concernent l’Afrique : l’Ouganda, la RDC, la RCA, le Soudan, la Côte d’Ivoire.
Les ONG ont un rôle fondamental à jouer auprès de cette institution naissante. Elle peuvent alerter le procureur sur l’existence de graves violations des droits de l’Homme, lequel peut s’autosaisir de la situation ; consolider une procédure portée à la connaissance de la CPI en soumettant au Procureur des informations susceptibles d’élargir le champ de l’enquête et des responsabilités ; contribuer au renforcement de l’Etat de droit au niveau national en s’appuyant sur le principe de complémentarité inscrit dans le statut de la CPI ; soutenir la participation des victimes aux procédures en se faisant le relais de leur communication.

Le 17 janvier 2006, pour la première fois, à la demande de la FIDH, les juges de la CPI ont autorisé 6 victimes congolaises à exprimer leurs vues et préoccupations sur la procédure qui concerne la situation en RDC. Les appels du Procureur contre cette décision ont depuis été rejetés. Cette décision est historique en ce qu’elle permet aux victimes d’oeuvrer à la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves, n’étant plus de simples témoins mais bien des acteurs de la justice internationale. Les victimes peuvent ainsi exprimer leur point de vue sur l’étendue des charges retenues contre tel ou tel accusé ; sur le champ d’investigation du Procureur ; sur les besoins de protection des victimes...


Garantir la mise en place rapide de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuple et sa saisine par les individus et les ONG

C’est cette même volonté de voir sanctionnées les violations des droits de l’Homme qui doit nourrir la mobilisation de la société civile pour la mise en place effective de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples nonobstant les discussions actuelles sur le Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme. Au sein de la Coalition pour la Cour africaine des droits des droits de l’Homme et des peuples, la FIDH exhorte l’UA à mettre la Cour en place le plus rapidement possible avec un budget adéquat de fonctionnement. Par ailleurs, la FIDH souhaite vivement que le Comité d’expert chargé de travailler au Protocole unique de la future Cour africaine de justice et des droits de l’Homme, prendra en compte les observations de la Coalition pour garantir l’accès des ONG et des victimes devant cette instance.

2. Ne pas perdre le terrain de la dénonciation

La réforme des mécanismes de protection des droits de l’Homme des Nations unies : attaques contre les capacités protectrices

Le processus de réforme des mécanismes de protection des droits de l’Homme des Nations Unies, initié par le Secrétaire général des Nations unies, reste aujourd’hui inachevé. Deux chantiers sont encore en cours : la définition des contours et principes de fonctionnement de la « Revue universelle périodique », « l’amélioration et la rationalisation » des procédures spéciales (les différents rapporteurs spéciaux et groupes de travail de la Commission, maintenant transférés au Conseil).

Sur ces deux chantiers, de nombreux points restent encore en suspens et font l’objet de développements inquiétants à Genève, qui remettent en cause les capacités protectrices. Ils requièrent notre mobilisation à tous.

La « revue universelle périodique » prévoit une revue systématique de la situation des droits de l’Homme dans l’ensemble des pays du monde, à commencer par les Etats membres du Conseil des droits de l’Homme.
Cette méthode permettrait qu’aucun pays n’échappe à un examen de sa situation en terme de droits de l’Homme, ce que la FIDH salue. Mais de quel examen s’agirait-il ? Les travaux nous laissent dubitatifs. Plusieurs Etats en effet, souhaitent que l’évaluation de la situation dans chaque pays soit confiée aux Etats membres du Conseil, plutôt qu’à des experts indépendants. Si cette option était retenue, le risque serait fort que l’auto-évaluation conduise à l’auto-absolution.

En effet, ceux qui rechignent à dénoncer aujourd’hui un membre permanent du Conseil de sécurité ou leur principal fournisseur en énergie le feraient tout autant s’agissant de l’évaluer sévèrement au Conseil dans le cadre du mécanisme de revue universelle périodique. A l’inverse, un Etat ne disposant que de peu d’alliés sur la scène internationale, en disposerait toujours aussi peu pour empêcher une évaluation autrement plus sévère. L’évaluation doit être « dépolitisée » et reprendre dans son intégralité les informations existantes provenant des rapporteurs spéciaux, ONG ou autres mécanismes indépendants des gouvernements.

Le deuxième chantier, celui de « l’amélioration et du renforcement » des procédures spéciales et des rapporteurs spéciaux, est encore plus inquiétant. Un large groupe d’Etats souhaite en effet affaiblir leur capacité de réaction rapide aux violations, affaiblir les garanties d’indépendance des mandats face aux Gouvernements, affaiblir la diversité des situations sur lesquelles ils travaillent, et au passage, éliminer certaines des procédures les plus « gênantes ».

L’offensive se cristallise également contre l’examen des situations « par pays ». Sous le prétexte de lutter contre la « politisation » du Conseil, toutes les actions visant des situations sur des pays où l’on constate des violations gaves et massives des droits de l’Homme sont contestées. Les résolutions et rapporteurs spéciaux créés sur des situations telles que le Darfour, l’Ouzbékistan, l’Iran, la Corée du Nord, le Bélarus, sont contestées par une majorité d’Etats membres du Conseil.

Pour autant, face à des situations de violations graves et systématiques, il apparaît nécessaire que la Communauté internationale condamne et réagisse. De plus, quand un pays connaît des violations massives et systématiques, les rapporteurs thématiques à eux seuls ne peuvent documenter de façon suffisante ces violations, et il apparaît alors nécessaire de développer des mécanismes de monitoring qui y soient dédiés, ce à quoi correspondent les rapporteurs sur les pays.

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