Intervention de la FIDH sur la situation des droits des femmes en Afrique

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Commissaires,

Préoccupée par la prévalence et les conséquences des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes en Afrique, la Fédération Internationale des droits de l’Homme (FIDH), en étroite collaboration avec ses organisations membres, a récemment mandaté plusieurs missions internationales au Mali, en Gambie, au Mozambique, au Niger, en République centrafricaine, pour enquêter notamment sur la situation des droits des femmes. Les enquêtes réalisées ont permit de révéler que les mariages forcés ou précoces, les violences conjugales, les violences sexuelles, les mutilations génitales féminines, les trafics de femmes, la prostitution forcée, les pratiques traditionnelles discriminatoires, les difficultés d’accès à la propriété, au travail, à l’éducation, à l’héritage ou encore à la santé pour les femmes, restent largement répandus sur le continent.

Madame la Présidente,

Ces violations sont principalement favorisées par le déficit législatif en matière de droits des femmes qui prévaut dans de nombreux pays et qui leur est particulièrement préjudiciable. Ainsi, en Gambie, malgré les interdictions de toutes les discriminations fondées sur le genre, le Code Pénal n’interdit pas les mutilations génitales féminines et ne prévoit pas de sanction à leur encontre. En Afrique Australe, le vide juridique en matière de répression des trafics de femmes, contribue à la propagation de ce phénomène, en dépit des préoccupations soulevées par les experts du Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW), lors de l’examen du rapport remis cette année par la Namibie. Au Mozambique, aucune loi ne pénalise jusqu’à présent les violences domestiques et conjugales bien que ce phénomène, sous toutes leurs formes, soit massif et représente une des atteintes les plus graves aux droits des femmes mozambicaines. Le Parlement mozambicain est saisi d’un projet de loi à cet égard. Au Niger, en l’absence de l’adoption de tout code de la famille, pourtant en projet depuis 1975, le droit des femmes à l’héritage, la répudiation et ses conséquences, le rôle et les droits des femmes au sein de la famille, ne sont pas garantis par la loi, mais régis par les droits coutumiers et traditionnels, ce qui entraîne de nombreux abus aux conséquences sociales particulièrement graves.

Madame la Présidente,

Si ce déficit législatif empêche les femmes de faire valoir leurs droits, l’existence de lois discriminatoires matérialise juridiquement la violation de ces droits. Ainsi, Au Mali, l’enquête mandatée par la FIDH a permit de faire état de certaines dispositions législatives qui pénalisent les femmes dans les domaines de la santé, de la famille, de l’héritage, de même que dans de nombreux secteurs de la vie économique et sociale. En conséquence, les réformes du Code du mariage et de la tutelle et du Code de la Nationalité doivent être une priorité pour les autorités maliennes. Au Mozambique, malgré la promulgation en décembre 2004 du nouveau Code de la famille, les dispositions en matière d’héritage restent insuffisantes, notamment dans le cadre de l’union de fait où un conjoint ne peut hériter directement des biens de son époux défunt, une disposition qui laisse de nombreuses femmes sans revenus.

Madame la Présidente,

Si cette traduction juridique des discriminations à l’égard des femmes leur enlève toute possibilité d’avoir recours aux instances judiciaires pour défendre leurs droits, l’existence de lois en leur faveur n’est pas toujours synonyme d’une amélioration de leur condition du fait de pratiques faisant fi de la législation en vigueur. Ainsi, au Niger, où une loi criminalisant la pratique de l’esclavage a été promulguée le 13 juillet 2003, la persistance de cette pratique, en particulier à l’encontre des femmes, démontre la faible application dans les faits de cette législation. Au Burkina Faso, pourtant contraire à l’article 234 du Code des personnes et de la famille, la pratique du lévirat, qui touche principalement les femmes dans les zones rurales, continue de porter atteinte à leur intégrité psychologique voire physique.

Madame la Présidente,

La FIDH et ses organisations membres sont également très préoccupées par la condition des femmes dans les pays en situation de conflit ou post-conflit. Particulièrement exposées aux violences sexuelles, souvent utilisées comme une arme de guerre, les femmes souffrent de la double peine de l’indifférence de la communauté internationale et d’une stigmatisation au sein de leur société. Ainsi, au Darfour, les milices et les factions rebelles sont tenus responsables de violences sexuelles dans le conflit qui sévit dans la région depuis 2003, touchant non seulement les populations locales mais également les personnels féminins des organisations humanitaires présentes sur le terrain. En République centrafricaine, les femmes victimes de viols à l’occasion des combats entre groupes rebelles et mercenaires lors de la tentative de coup d’Etat du général Bozizé en 2002/2003, ne peuvent toujours pas faire valoir leur droit à la justice et à réparation dans leur pays. En République Démocratique du Congo, les femmes sont encore victimes d’enlèvements, de maltraitance ou de violences sexuelles systématiques perpétrées par des éléments des groupes rebelles et de l’armée gouvernementale qui, par ailleurs, jouissent d’une grande impunité. Une impunité qui prévaut également au Togo, où les auteurs des crimes sexuels commis à l’occasion de la répression des manifestations antérieures et postérieurs aux élections présidentielles d’avril 2005, n’ont toujours pas fait l’objet de poursuites judiciaires.

Madame la Présidente,

La FIDH réitère son appel à une ratification immédiate et sans réserves du Protocole à la Charte Africaine relatif aux droits des femmes, de la Convention sur l’élimination sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de son Protocole facultatif. La FIDH appelle également à une intégration sans délai dans le droit interne des dispositions contenues dans les différents instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits des femmes.

La FIDH appelle les Etats membres de l’Union Africaine à appliquer effectivement les lois protectrices des droits des femmes, notamment en adoptant toutes les mesures nécessaires à la lutte contre l’impunité des violations des droits des femmes.

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