Point 17 - Défenseurs des droits de l’homme au Zimbabwe - Intervention écrite

11/02/2005
Communiqué

Intervention écrite de la FIDH et de l’OMCT, dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme

Commission des Droits de l’Homme - 61ème session

Point 17 : Promotion et protection des droits de l’Homme : (b) Défenseurs des droits de l’Homme

Zimbabwe

Paris-Genève, le 20 janvier 2005

Lors de la 60ème session de la Commission des Droits de l’Homme, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, avaient déjà manifesté leur inquiétude quant à la situation des défenseurs des droits de l’Homme au Zimbabwe. En particulier, l’Observatoire soulignait que les autorités zimbabwéennes faisaient usage d’une large gamme de dispositions légales afin de réduire au silence les défenseurs, menaçant les libertés d’expression, d’association et d’assemblée par l’adoption de nouvelles lois particulièrement restrictives. L’Observatoire déplorait également que le manque d’indépendance du système judiciaire, la corruption des juges et les ajournements systématiques des audiences affaiblissent les défenseurs, qui craignent d’être dépourvus de tout recours judiciaire.
A nouveau, l’Observatoire souhaite faire part de ses plus vives préoccupations quant à la situation des défenseurs des droits de l’Homme au Zimbabwe, tout particulièrement quant aux obstacles législatifs qui se dressent contre leurs activités ainsi que les violations des droits de l’Homme auxquelles ils sont confrontés.

1. Obstacles législatifs aux activités des défenseurs

Entraves à la liberté d’association

L’Observatoire dénonce avec vigueur la loi adoptée le 9 décembre 2004 par le Parlement zimbabwéen relative aux organisations non gouvernementales (« NGO Act »), imposant de graves restrictions à la liberté d’association, et qui entrera en vigueur une fois signée par le Président de la République. En effet, le projet de loi prévoit l’enregistrement obligatoire des ONG auprès du ministère des Affaires sociales, ainsi que des sanctions pénales - y compris des peines d’emprisonnement - contre les membres d’ONG non enregistrées. Par ailleurs, le texte prévoit la création d’un conseil des ONG, composé de cinq membres de la société civile (dont la représentativité et l’indépendance ne sont pas garantis par la loi) et de neuf membres du gouvernement, sous l’égide du ministère des Affaires sociales. Ce conseil serait notamment chargé de l’enregistrement des ONG, mais aussi de mener des enquêtes sur l’administration, la gestion et l’activité des ONG. La loi donne enfin la possibilité au gouvernement d’interdire tous les financements étrangers, de rapatrier l’argent reçu par les ONG aux bailleurs ou de s’approprier ces fonds.

Entraves à la liberté d’information

La loi d’amendement de l’« Access to Information and Protection of Privacy Act » adoptée par le Parlement zimbabwéen en novembre 2004 et publiée au journal officiel en janvier 2005 prévoit des peines de prison de 2 ans pour les journalistes non enregistrés à la MIC (Media and Information Commission), moyen pour les autorités de les contrôler. En 1998, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies avait déjà demandé au gouvernement du Zimbabwe que les restrictions à la liberté d’expression et de la presse soient mises en stricte conformité avec l’article 19(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques .

Le 9 décembre 2004, le Parlement a adopté la loi « Criminal Law Codification and Reform Act », qui inquiète également fortement les journalistes et plus généralement les défenseurs des droits de l’Homme pour ses dispositions extrêmement répressives et contraires aux libertés d’expression et d’information visées par les conventions internationales de protection des droits de l’Homme. D’après la loi, des peines pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison peuvent être prononcées contre tout journaliste communiquant ou publiant à une tierce personne des « fausses informations jugées préjudiciables à la sécurité de l’Etat. »

2. Violations des droits de l’Homme contre des défenseurs

Arrestations et détentions arbitraires de plusieurs défenseurs des droits de l’Homme

Le 27 avril 2004, Mme Mabel Sikhosana, représentante de ZimRights à Masvingo, a été arrêtée par des agents du commissariat de Masvingo. Mme Sikhosana a été accusée d’organiser une réunion sans en avoir informé les autorités, avant d’être remise en liberté le jour même, sans qu’aucune charge n’ait été officiellement retenue contre elle.
Tout porte à croire que l’arrestation de Mme Sikhosana était liée à l’organisation d’une marche pacifique en faveur de la démocratie et d’une réforme de la Constitution zimbabwéenne, qui s’est tenue à Harare, le 28 avril 2004.

A l’occasion de cette manifestation, les forces de l’ordre ont arrêté de nombreux participants. Ainsi, le 28 avril 2004, Mme Sheba Dube Phiri, vice-présidente de ZimRights et membre d’Amnesty International et de l’Assemblée nationale constitutionnelle (National Constitutional Assembly - NCA), a été arbitrairement arrêtée par des policiers en civil, puis placée en détention au poste de police de Bulawayo. Les policiers ont, par ailleurs, perquisitionné son appartement, sans aucun mandat, et saisi des rapports, dossiers et documents concernant les activités de ZimRights, Amnesty International et la NCA.
Mme Dube Phiri a été arrêtée en compagnie de M. Félix Mafa, membre du Trust des survivants de la post-indépendance (Post Independence Survivors Trust - PIST), une ONG portant assistance aux victimes des massacres de Gukurahundi dans les années 1980, ainsi que M. Goden Moyo, membre de la NCA, M. Reggie Moyo, membre de l’Agenda Bulawayo, un groupe militant pour la démocratie au Zimbabwe, et deux autres personnes. Ils ont tous les cinq été interrogés puis relâchés au bout de deux heures de détention, sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre eux. Toutefois, la police les a informés qu’ils pourraient être convoqués à l’avenir.

Par ailleurs, M. Lovemore Madhuku, président de la NCA, fait l’objet depuis de nombreuses années de menaces, de filatures, d’arrestations et de détentions arbitraires récurrentes visant à entraver ses activités en faveur des droits de l’Homme. Ainsi, en septembre 2004, après avoir participé à une manifestation en faveur de la réforme de la Constitution zimbabwéenne, M. Madhuku a de nouveau été arrêté à 4 heures du matin chez lui, son domicile étant déjà sous surveillance. Détenu pendant une journée, il a finalement été libéré sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.
En octobre 2004, un des membres du NCA a été attaqué par des agents de la sécurité et laissé pour mort, à la suite d’une réunion qu’il a eue avec M. Madhuku. Cette personne a même été menacée à de nombreuses reprises alors qu’il était hospitalisé.

Torture à l’encontre de M. Tinashe Lukas Chimedza

Le 22 avril 2004, M. Tinashe Lukas Chimedza, étudiant et défenseur des droits sociaux, a été arrêté par des membres de la police républicaine au Mount Pleasant Hall à Harare, alors qu’il prononçait un discours sur le droit à l’éducation lors d’un rassemblement pacifique.
Conduit au poste de police de Marlborough, M. Chimedza a été violemment frappé par les policiers à coups de pied, de poing et de bâton. Il a dû être hospitalisé dans un état critique, après que les avocats MM. Otto Saki, membre de Zimbabwe Lawyers for Human Rights (ZLHR), Jacob Mafume, du Forum pour les droits de l’Homme, et Me Tonderai Bhatasara, ont insisté pour qu’il reçoive les soins nécessaires.
M. Chimedza aurait quitté le pays peu après.

A la lumière de ces faits, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme demande à la Commission des droits de l’Homme d’adopter une résolution sur la situation au Zimbabwe :

1. condamnant la persistance des violations des droits de l’Homme

2. priant les autorités zimbabwéennes d’inviter le Groupe de travail sur la détention arbitraire, le Rapporteur Spécial sur la torture et la Représentante Spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l’Homme

3. demandant aux autorités zimbabwéennes :

  de garantir l’intégrité physique et psychologique des défenseurs des droits de l’Homme ;
  de mettre un terme à toute forme de harcèlement, arrestations et détentions arbitraires et menaces contre les défenseurs des droits de l’Homme ;
  de ne pas promulguer la loi sur les Organisations non gouvernementales, contraire aux libertés fondamentales prévues par les conventions régionales et internationales de protection des droits de l’Homme ;
  de réviser le « Criminal Law Codification and Reform Act » afin que la loi se conforme aux dispositions internationales relatives aux libertés d’information et d’expression ;
  de se conformer strictement aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs adoptée en 1998 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
  de ratifier la Convention contre la torture et autres peines et traitements inhumains et dégradants, ainsi que le Protocole additionnel se rapportant à la Convention contre la torture ;
  de poursuivre et juger les auteurs d’actes de torture, conformément aux dispositions des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme ;
  de ratifier le Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, tout en donnant autorisation aux ONG et individus de saisir directement la Cour en faisant une déclaration au titre de l’article 34(6) du protocole.

Un programme de la FIDH et de l’OMCT - An FIDH and OMCT venture - Un programa de la FIDH y de la OMCT
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