Intervention écrite de la FIDH sous le point 9 : Côte d’Ivoire

28/02/2005
Communiqué

Commission des Droits de l’Homme
61ème session 14 Mars-22 Avril 2005

Intervention écrite de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), une organisation non-gouvernementale dotée du statut consultatif spécial.

Point 9 de l’ordre du jour

Côte d’Ivoire

La FIDH demande à la Commission des droits de l’Homme d’adopter une résolution sur la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, incluant les sujets de préoccupations suivants :

Des violations graves des droits de l’Homme

Le rapport de la « Commission d’enquête internationale sur la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 jusqu’au 15 octobre 2004 » mandaté par les Nations Unies conclut en l’existence de graves violations des droits de l’homme dans la période considérée, tant des droits civils et politiques que des droits économiques, sociaux et culturels. Il met également en lumière la perpétration de crimes internationaux - crimes de guerre et crimes contre l’humanité - imputables aux parties en conflit, les autorités gouvernementales et les rebelles.

La FIDH a de nombreuses fois fait part de sa vive indignation face aux graves violations des droits fondamentaux de la personne humaine en Côte d’Ivoire.

La FIDH a dénoncé en mars 2004 les exécutions sommaires, tortures, arrestations et détentions arbitraires perpétrées par les forces de l’ordre contre des manifestants de l’opposition. La FIDH déplorait la mort de 120 personnes et dénombrait plus de 250 blessés.

La FIDH, a exprimé également sa vive préoccupation en août 2004 après la découverte par l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) de trois charniers comptant une centaine de morts à Korhogo, zone sous contrôle de la rébellion, située au nord de la Côte d’Ivoire.

La FIDH a condamné la reprise des combats entre l’armée ivoirienne et les Forces nouvelles le 4 novembre 2004 suite à une attaque aérienne des forces gouvernementales contre les forces rebelles. Elle s’est indigné des émeutes anti-françaises conduites à Abidjan par les « jeunes patriotes » mais également de la réaction disproportionnée de l’armée française qui s’est déployée dans la capitale économique et qui aurait fait une cinquantaine de morts parmi la population civile ivoirienne.

L’impératif de la lutte contre l’impunité

La FIDH souligne que la répétition des attaques menées contre les populations civiles en 2004 résulte de l’impunité quasi absolue dont ont bénéficié ces dernières années et bénéficient encore tous les auteurs de crimes internationaux et violations graves des droits de l’Homme perpétrés en Côte d’Ivoire. L’impératif de justice pour les victimes de tels crimes a pourtant été identifié par quatre commissions internationales onusiennes, dans les accords de Marcoussis et par le Conseil de sécurité lui-même, comme une condition indispensable à la réussite de la transition et à la prévention de tels crimes.
La FIDH rappelle aux autorités ivoiriennes, qui n’ont pas condamné les exactions commises par les « jeunes patriotes », comme aux forces rebelles dont la responsabilité est engagée, ainsi qu’à toutes autres parties intervenantes, y compris à l’armée française, que leur comportement engage leur responsabilité pénale et qu’elles auront à rendre compte de leurs actes devant la justice.

La nécessité de respecter strictement les accords de paix

La FIDH n’a eu de cesse de répéter que le retard pris par les différentes parties dans la mise en œuvre des accords politiques de Linas Marcoussis et d’Accra III augmentait les tensions entre les protagonistes et devenait une cause des violations récurrentes des droits de l’Homme.

C’est pourquoi, la FIDH s’est félicitée de l’adoption par les députés ivoiriens des 14 textes de loi issus des accords de Linas- Marcoussis dont celui extrêmement sensible sur la révision de l’article 35 de la Constitution concernant les conditions d’éligibilité à la Présidence de la République. La promulgation de cette révision par le chef de l’Etat est essentielle à la mise en route d’un processus électoral démocratique. En revanche, la FIDH conteste la résolution prise le 10 janvier 2005 par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine (UA), demandant un recours au référendum sur la révision de l’article 35. Ce mode de révision attiserait assurément le conflit entre les parties.

La FIDH s’est également félicitée de la décision des forces rebelles de commencer en décembre 2004 le désarmement de ses troupes conformément aux accords de paix.

La FIDH demande à la Commission des droits de l’Homme d’adopter une résolution sur la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire qui :

1.Décide la mise en place d’un mécanisme de surveillance de la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire avec pour mandat de faire le suivi du rapport de la Commission d’enquête internationale

2.Prie les autorités ivoiriennes d’inviter l’ensemble des mécanismes thématiques de la Commission

3.Reprend les recommandations du rapport de la « Commission d’enquête internationale sur la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 jusqu’au 15 octobre 2004 » présenté à cette session en demandant :

Aux parties en conflit

 d’œuvrer en vue d’un retour rapide à la paix et à la réunification du pays en appliquant strictement les accords de Linas Marcoussis et d’Accra III.
 d’œuvrer à la mise en place d’un processus électoral démocratique, conformément aux disposition de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment en assurant la liberté d’expression et l’égal accès aux médias des différents partis.
 de renoncer au recours et à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits.
 de procéder sans délai ni condition au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des combattants.
 de respecter strictement l’embargo décidé par le Conseil de sécurité et de cesser de se réarmer.
 de protéger les populations civiles et de condamner les exactions commises par leurs forces.
 de poursuivre et juger, conformément aux dispositions des conventions internationales de protection des droits de l’Homme les personnes suspectées d’avoir commis de graves violations des droits de l’Homme et de droit international humanitaire.
A la communauté internationale
 de se conformer strictement aux résolutions du Conseil de sécurité notamment sa résolution 1572 du 15 novembre 2004 concernant l’embargo sur les ventes d’armes à toutes les parties.
 de soutenir les efforts de médiation entrepris par le président Thabo Mbeki en vue de relancer le processus de paix, sous le mandat de l’Union africaine.
 de soutenir la mise en place d’un processus électoral démocratique conforme aux dispositions de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Au procureur de la Cour pénale internationale

 d’ouvrir une enquête sur la situation en Côte d’Ivoire en se fondant sur la saisine ad hoc de la Cour par les autorités ivoiriennes le 1er octobre 2003 conformément à l’article 12 du Statut de Rome.

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