RDC : presque 20 ans après, la CPI ordonne des mesures de réparation pour les victimes de Bosco Ntaganda

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(La Haye, Paris, Kinshasa, Kisangani) Le 8 mars 2021, la Cour pénale internationale (CPI) a ordonné des réparations dans l’affaire contre Bosco Ntaganda. La FIDH et ses organisations membres en République Démocratique du Congo (RDC) saluent cette décision, qui tient compte des demandes des victimes, et appellent à un soutien des Etats à la mise en œuvre prompte et effective des mesures de réparations octroyées.

Les réparations ordonnées par la Chambre de première instance IV de la CPI ont pris la forme de réparations collectives avec une composante individuelle, pour garantir une approche holistique en raison du grand nombre de victimes dans l’affaire et de la pluralité des crimes subis par celles-ci, ainsi que des préjudices de long terme causés par ces crimes. [1] Les victimes directes et indirectes pouvant bénéficier de ces mesures de réparation sont les victimes des attaques pour lesquelles Ntaganda a été condamné, les victimes des crimes contre les enfants soldats, les victimes de viol et d’esclavage sexuel, ainsi que les enfants nés de viols ou d’esclavage sexuel

« Nous accueillons avec satisfaction cette décision de la CPI qui prend en compte les demandes des victimes et qui, pour la première fois, présente une vision inclusive du caractère multiforme des violations commises contre les victimes. Cependant, la coopération des Etats et la coordination avec le gouvernement congolais est impérative pour garantir une mise en œuvre effective et un impact réel des réparations. »

Paul Nsapu, Vice-Président de la FIDH et Président de la Ligue des électeurs

Les juges ont estimé le montant des réparations à 30 millions de dollars, montant le plus élevé jamais accordé par la CPI, tout en déclarant M. Ntaganda indigent et en demandant au Fond au profit des victimes, dont le budget annuel est de 4 millions d’euros, de s’assurer de collecter les fonds nécessaires, et de prioriser selon les ressources disponibles [2]. Le Fonds doit également soumettre un projet de plan de mise en œuvre des réparations avant le 8 septembre 2021, et un plan d’urgence pour les victimes prioritaires avant le 8 juin 2021.

Nos organisations appellent les Etats et les donateurs privés à soutenir le Fonds au profit des victimes afin qu’il puisse accomplir la tâche qui lui est assignée et rendre les réparations effectives pour les milliers de victimes des crimes commis par Bosco Ntaganda en Ituri.

En juillet 2019, Bosco Ntaganda, chef d’état-major adjoint et commandant des opérations militaires des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), avait éte déclaré coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont des crimes de viol et esclavage sexuel, commis dans le conflit de 2002-2003 en Ituri, au nord-est de la RDC. L’affaire Ntaganda se trouve actuellement en phase d’appel, l’arrêt en appel devant être rendu le 30 mars prochain [3]. La Chambre de Première Instance IV a cependant décidé des réparations avant même la décision en appel, prenant en compte le fait que les crimes commis par M. Ntaganda ont eu lieu il y a presque vingt ans, le droit des victimes à une rapide réparation et le besoin pour quelques unes d’entre elles à une assistance urgente. [4] En outre, deux des trois juges de cette Chambre finissent leur mandat en mars 2021.

« Avec cette troisième ordonnance sur les réparations rendue par la CPI dans la situation de la RDC, il est d’autant plus urgent que le gouvernement congolais mette en place une politique globale de réparations pour les victimes du conflit en Ituri. Toutes ces années sans réparation effective ne font qu’accroître l’injustice et les situations d’extrême urgence pour un grand nombre de victimes. »

Jean-Claude Katende, Président de l’ASADHO

Concernant la situation en RDC, outre l’affaire Ntaganda, la CPI a jugé et condamné Thomas Lubanga (en 2012, confirmé en appel en 2014) et Germain Katanga (en 2014) pour des chefs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en 2002-2003. Dans ces affaires, la Cour avait ordonné des réparations collectives symboliques et de service à la collectivité (affaire Lubanga) et des indemnisations individuelles ainsi que des réparations d’assistance sous forme de soutien psychologique, à l’éducation, au logement, et aux activités économiques (affaire Katanga). Cependant, alors que MM. Lubanga et Katanga ont fini de purger leur peine, beaucoup de victimes attendent encore la mise en œuvre de ces réparations.

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