La décision en appel sur les réparations dans l’affaire Lubanga ouvre la voie à la première mise en œuvre des réparations par la CPI

La Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a rendu hier sa décision concernant les réparations dues aux victimes dans la procédure contre Thomas Lubanga Dyilo, reconnu coupable en 2012, d’avoir fait participé des enfants soldats aux hostilités en République Démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003.

La Chambre d’appel a défini les principes de réparation aux victimes et amendé en conséquence la décision de première instance. La Chambre d’appel a ordonné au Fonds au profit des victimes (FPV) d’élaborer un plan, visant à mettre en œuvre les réparations collectives, afin que les victimes des crimes de Lubanga reçoivent enfin la réparation qu’elles ont attendue.

La FIDH, et ses organisations membres en RDC, l’ASADHO, le Groupe Lotus et la Ligue des Electeurs félicitent la Chambre pour son engagement en faveur d’une approche de la question des réparations qui est intégrale, consultative, culturellement adaptée et sensible aux questions liées au genre. « Apporter aux anciens enfants soldats l’ assistance médicale et psychologique dont ils ont besoin, ainsi que des moyens nécessaires pour leur permettre de se réinsérer dans leur communauté, dans le cadre d’une campagne plus large de lutte contre la discrimination et la stigmatisation, est essentiel pour leur réhabilitation à long terme » a déclaré Jean-Claude Katende, président de l’ASADHO.

La Chambre a souligné que le droit à réparation découle de la responsabilité personnelle de l’accusé. Même si Lubanga est déclaré insolvable, il demeure responsable des réparations dues aux victimes. Le Fonds au profit des victimes sera en charge de l’exécution de l’ordonnance de réparation, mais Lubanga pourra être contraint de rembourser le Fonds à l’avenir. « En soulignant la responsabilité personnelle de Lubanga pour la réparation des souffrances causées par les crimes qu’il a commis, la CPI envoie un message fort, selon lequel le manque d’argent ne peut en aucun cas dédouaner les accusés de leurs responsabilités, et la réparation reste due aux victimes qui ont souffert de dommages causés par ses crimes, a déclaré Paul Nsapu, secrétaire général de la FIDH et président de la Ligue des Electeurs.

La Chambre d’appel a établi qu’une ordonnance de réparation doit être adoptée contre une personne condamnée, et seulement s’agissant des préjudices résultant des crimes jugés. La Chambre d’appel a ainsi conclu que la Chambre de première instance n’avait pas suffisamment établi le lien entre les crimes commis par Lubanga et les préjudices soufferts par les victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre (VSFG) qui ne pouvaient donc recevoir réparation. La Chambre d’appel a rappelé que le Fonds au profit des victimes pouvait toutefois exercer son mandat discrétionnaire d’assistance aux victimes et a demandé au Fonds, chargé d’établir un plan de mise œuvre des réparations, d’inclure une procédure de référence vers les ONGs garantissant des services aux victimes de VSBG dans les zones affectées.

« Nos organisations regrettent que, au travers de ces décisions dans l’affaire Lubanga, la CPI n’ait pas adéquatement reconnu d’autres victimes, en particulier les victimes de violences sexuelles et basées sur le genre. Comme l’ont rappelé les représentants légaux des victimes, les crimes basés sur le genre et les traitements inhumains sont inhérents au recrutement, à la conscription et à l’utilisation des enfants dans les hostilités » a déclaré Dismas Kitenge, vice-président de la FIDH et président du Groupe Lotus. « Nous demandons à la Procureure de mettre effectivement en œuvre sa nouvelle politique d’enquête et poursuite des crimes sexuels et basés sur le genre. Il est de la première importance que les charges reflètent la réalité des crimes et des préjudices soufferts par les victimes, afin de leur garantir un égal accès à la justice et à réparation ».

Contexte

Le 7 août 2012, la Chambre de première instance de la CPI avait, pour la première fois, établi les principes de réparation pour les victimes de crimes commis par Thomas Lubanga qui, le 14 mars 2012, a été reconnu coupable du crime de guerre d’enrôlement et de conscription d’enfants de moins de 15 ans et de l’utilisation de ces enfants pour participer activement à des hostilités. L’accusé avait par la suite fait appel de cette décision.

La CPI est la première juridiction pénale internationale dont le mandat inclut la réparation intégrale aux victimes, conformément à l’article 75 de son statut.

Le Fonds au profit des victimes a été créé conformément à l’article 79 du statut de la CPI et a été établi par l’Assemblée des Etats Parties en 2002. Il s’agit d’une institution indépendante dont le mandate est double : le Fonds doit mettre en œuvre les réparations ordonnées par la Cour et également porter assistance aux victimes, au travers en particulier d’une réhabilitation physique et psychologique. Dans le cadre de ce second mandat, le Fonds au profit des victimes a d’ores-et-déjà porté assistance à près de 80 000 victimes, notamment en Ouganda et en RDC. Cette décision sera pour le Fonds, la première occasion de remplir son mandat en matière de réparation.

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