Élections en Colombie : le nouveau gouvernement doit protéger les défenseur·es des droits humains

25/05/2022
Déclaration
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Sebastian Barros / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Paris-Genève, 25 mai 2022. Dans le cadre des élections présidentielles, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (partenariat entre la Fédération internationale pour les droits humains - la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture - l’OMCT) appelle le nouveau gouvernement colombien à prendre des engagements concrets en faveur de la protection des défenseur·es des droits humains, dès sa prise de fonction.

En 2021, 145 défenseur·es des droits humains et leaders sociaux·ales ont été assassiné·es en Colombie, selon des sources officielles. De plus, au cours du seul premier trimestre 2022, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a recueilli des données concernant l’assassinat d’au moins 43 leaders sociaux.ales et défenseur·es des droits humains.

Malheureusement, cette situation n’est pas nouvelle. Depuis des années, les Nations unies et les ONG internationales telles que Global Witness avertissent que la Colombie occupe la déshonorante première place mondiale en nombre d’assassinats de défenseur·es des droits environnementaux et sociaux.

Au mois de mars 2022, l’Observatoire a dénoncé plusieurs affaires d’agression à l’encontre de défenseur·s des droits humains. Parmi elles, on retrouve les assassinats des défenseurs des droits des paysans et membres du collectif Coordinador Nacional Agrario (CNA), Teófilo Acuña et Jorge Tafur, l’attaque contre le leader paysan d’Antioquia Carlos Arturo Morales Mallorga, et le meurtre de Miller Correa, leader social des communautés autochtones du Cauca.

De plus, cette situation s’est aggravée durant les dernières périodes électorales. Entre 2018 – année des premières élections nationales après la signature de l’Accord de paix de la Havane – et 2022, les violences électorales ont augmenté de 109 %. La Misión de Observación Electoral (Mission d’observation électorale-MOE) a répertorié 581 actes de violence à l’encontre des candidat·es concourant pour les sièges dans les Circonscriptions spéciales temporaires pour la paix (Citrep), des leaders sociaux·ales et des défenseur·es des droits humains. Au total la MOE a enregistré 276 attaques contre des leaders sociaux·les, soit 47,5 % de l’ensemble des violences s’étant produites dans le pays pendant la période électorale.

Depuis cinq années que l’Accord de paix est en vigueur, la situation des droits humains s’est détériorée en Colombie, et divers types de groupes armés se sont consolidés et étendus. Cette situation révèle des manquements dans l’application de l’Accord, qui ont contribué à une reconfiguration de la violence dans les territoires. Cela a exposé les communautés, les processus organisationnels, les personnes en réinsertion et les défenseur·es des droits humains à des risques élevés. Chacun·e d’entre eux·elles constate quotidiennement la violation de leurs droits et la restriction de l’espace civique où exercer leurs droits librement et en toute sécurité.

L’Observatoire rappelle que le mandat du président Iván Duque a été marqué par une recrudescence de violence et un affaiblissement des Accords de paix. En décembre 2021, la FIDH, le Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo (Cajar), organisation membre de la FIDH, le réseau SOS-Torture de l’OMCT, et le programme Somos Defensores ont dénoncé dans le rapport Colombia : Deaths Foretold l’absence de politiques effectives de prévention et de protection étatique, visant à arrêter les homicides des défenseur·es des droits humains en Colombie. De 2018, année d’entrée en fonction du gouvernement du Président Iván Duque, à juin 2021, 572 homicides de leaders sociaux·ales et défenseur·es des droits humains ont été rapportés, ainsi que 254 assassinats d’ex-combattant·es des FARC-EP et 184 massacres.

Le panorama électoral est une nouvelle opportunité pour l’État colombien de s’engager réellement en faveur de la protection des défenseur·es des droits humains, de mettre fin à tout type de menaces, attaques et actes de harcèlement, et de garantir l’exercice des droits humains en Colombie. L’Observatoire appelle ainsi le nouveau gouvernement colombien à :

  s’engager publiquement à appliquer l’Accord de paix dans son intégralité, considérant qu’il s’agit d’un engagement au niveau de l’État, de manière générale et plus particulièrement sur les questions de garanties de sécurité ;
 adopter une politique publique établissant des garanties pour les défenseur·es des droits humains et les populations vulnérables, qui prenne en compte les dispositifs créés par l’Accord de paix et les propositions des réseaux de droits humains, qui garantisse leur participation et qui adopte une approche par la sécurité des personnes loin de la vision militariste encore dominante ;
 mettre en place de manière agile, renforcer et élargir le Programme intégral de sécurité pour les communautés et organisations dans les territoires, tout en garantissant la pleine participation des parties prenantes à sa conception, sa mise en œuvre et son évaluation ;
  mettre en œuvre une campagne permanente de soutien des activités de défense des droits humains en Colombie.

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